Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Agoravox
Un dernier îlot d’humanité
par Gabriel mardi 17 septembre 2013
Article mis en ligne le 22 septembre 2013
dernière modification le 17 septembre 2013

Dans un chuintement plaintif, un soupir pneumatique, la double porte vitrée s’ouvre sur un grand hall froid, impersonnel. Un labyrinthe d’interminables couloirs de lumières pâles, fléchés au sol par des traits de différentes couleurs qui vous indiquent le chemin à suivre vers le spécialiste de vos maux, calme les ardeurs conquérantes. Il y flotte dans l’air un capiteux parfum d’éther et de désinfectant bon marché. Quelques fées vêtues de blanc s’agitent ça et là poussant des chariots de produits sensés soulager la douleur physique des résidents.

De chaque côté de ces interminables travées, des portes tout les trois ou quatre mètres apparaissent dans un encadrement pastel, glacé, anonyme, comme des tableaux uniformes accrochés dans une galerie qu’on se passerait bien de visiter. Derrière chacune d’elle, un être humain en bout de course attend, sans trop d’illusion, le miracle de la médecine qui le ramènera dans la fourmilière de la vie consommatrice. Bienvenue dans la section des soins palliatifs adjacents au pavillon d’oncologie du professeur X.

Ici, pas de blabla, de faux semblants. Chacun sait ce qui l’attend. Ca transpire l’humanité par tous les pores, elle est donnée gratuitement en sourire, par une caresse sur la joue ou une main délicatement prise. Finie l’usante compétition du monde extérieur, le paraître a fait place au réel, pas de far, pas de maquillage ou de faire valoir. Le vent des prochains départs a chassé la poudre des yeux pour mieux les ouvrir. La position sociale et les richesses matérielles sont laissées à l’entrée. Dans ce lieu les qualificatifs comme individualisme, superlatif ou ostentatoire n’ont pas lieu de citer, la grandeur est dans les cœurs et le supérieur est ailleurs. On est ce que l’on est ici et maintenant tel qu’à la naissance mais, pendant quelques temps, comme un reproche, avec ses doutes et ses regrets en plus. (...)

Leur plus grande joie c’est quand leur famille arrive, enfants, petit enfants. A cet instant, leur yeux pétillent, s’illuminent, comme si ils voulaient nous dire que rien, absolument rien d’autre, n’a plus d’importance que l’amour de ces êtres en vie. Certains n’ont plus de proches ou ils ne viennent plus alors il reste les amis, le compagnon ou la compagne de chambre.

Ce qui est fabuleux, c’est que se sont ceux qui vont partir qui rassurent ceux qui vont rester. Quelle merveilleuse leçon de vie apprend-t-on de la part de ceux qui terminent la leur.

Débranchez la prise de l’inutile courant affairiste qui vous meut, coupez les liens qui vous retiennent prisonnier des illusions externes, laissez vos certitudes à l’entrée, posez le sac de vos soucis quotidiens, oubliez la course à l’avoir, à la performance et écoutez ceux qui finissent le voyage. Ils vous diront à quel point il faut protéger et aimer la vie, que le reste est accessoire et souvent perte de temps car, celle-ci file à la vitesse de l’éclair et à peine vous a-t-elle éblouie que vos yeux commencent à se fermer. (...)