
Il existe, dans l’Est européen, des lieux en marge de toute structure. Délaissés par les pouvoirs locaux. Abandonnés par les réseaux sociaux et économiques ou par les instances européennes, qui lancent cependant régulièrement quelques projets, dont l’enracinement, l’applicabilité et le suivi sont dérisoires. Des lieux qu’on inscrit difficilement dans le paysage européen tant le développement semble les avoir oubliés, tant leur dénuement et leur retard économique paraissent incompatible avec nos représentations de l’Europe, même de la « Nouvelle Europe ».
...Parler de racisme dans l’Est slovaque est quasiment un pléonasme, tant les Roms semblent discriminés, tant la vie entre les deux communautés est compartimentée, tant les stéréotypes sur l’autre sont vivaces et ce dès le plus jeune âge. À l’école, les jeunes Roms sont placés presque systématiquement dans un système parallèle, des « écoles spéciales » ou comme Martin les surnomme des « écoles à chômages ». Ces écoles ferment tout avenir professionnel aux jeunes – le quotidien en cinquième année se limitant toujours à la résolution de multiplications simples et de cours de dessin. Plus dramatique encore, « le racisme de la vie ordinaire ».
Brave citoyen empêchant les Roms de monter par l’avant du bus, par peur des bactéries. Commerçant, qui les flique dès qu’ils entrent dans sa boutique, par peur du vol. Conducteur qui fonce avec sa berline sur un groupe d’enfants au motif qu’ils en ont trop ou récemment un lecteur d’un journal local s’amusant du drame vécu par un enfant du village, dont les doigts ont été sectionnés par une hache, commentant qu’au moins il économisera des frais de manucure, avant d’ajouter que ces êtres dégueulasses ne savent plus quoi inventer pour toucher des aides sociales…
...À un problème communautaire, la réponse est bien trop souvent apportée de manière communautarisée, dirigée vers les populations victimes, soit en tentant de restaurer naïvement les attributs de leur culture passée pour en faire un symbole de fierté, soit en s’attaquant au versant intégrateur de la question, consacrant son énergie à la formation et l’éducation de ces groupes. Réponses nécessaires, mais incomplètes.
Car ces remèdes oublient de prendre en compte l’autre camp de la réalité sociale locale, celui des détenteurs des clés économiques ...