
Les chassés-croisés du trumpisme et du lepénisme, comme les ambiguïtés confusionnistes à gauche. Et, en avant-première, le sommaire du livre « La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées » à paraître le 10 mars 2021.
Droite extrême (le trumpisme) et extrême droite (le lepénisme de Marine), dans leurs intersections et leurs chassés-croisés, dessinent les nouveaux visages d’un ultraconservatisme connaissant une certaine attractivité à une échelle internationale depuis le milieu des années 2000, en bénéficiant du brouillage des repères politiques antérieurement stabilisés et en accroissant un peu plus le brouillard.
Intersections ? Xénophobie et hostilité aux tendances pluriculturelles et métissées des sociétés modernes sur fond nationaliste, fétichisation d’un peuple-nation compact et refermé sur lui-même largement fantasmé, abus des provocations superficielles du « politiquement incorrect » et de la fausse lucidité conspirationniste à la place de la critique sociale radicale. Chassés-croisés ? La droite extrême américaine se laisse glisser sur les pentes du sexisme et de l’homophobie les plus décomplexés, voire de l’antisémitisme, alors qu’en quête de respectabilité l’extrême droite française se police sur ces terrains pourtant traditionnels pour elle.
Fascisme ou populisme alors ? Rester accrocher au premier terme nous ferait risquer la folklorisation d’un Mal qui se répèterait inlassablement sous les mêmes formes, sans égard pour le travail de l’histoire. Le second, aux usages multiples et flous, entre mode automatique de stigmatisation du populaire pour certains et revendication d’une incarnation positive du peuple par des élites se méconnaissant comme telles pour d’autres, ne permet pas d’appréhender les continuités avec les fascismes historiques, en relativisant ainsi le danger. La notion de « postfascisme » permettrait mieux de saisir à la fois des continuités (dans « postfascisme » il y a « fascisme ») et des discontinuités (le « post »), et notamment la réappropriation du lexique républicain et démocratique (« République », « souveraineté populaire » fusionnée avec « souveraineté nationale », « liberté » et « égalité », « laïcité », etc.) en décalage avec les discours antirépublicains et antidémocratiques en cours dans les années 1930.
Cependant l’extrême droitisation portée tant par le trumpisme que par le lepénisme ne fonctionne pas par leurs seules forces, mais aussi grâce aux paralysies, aux ambiguïtés et aux confusions à gauche.
L’extension des domaines du confusionnisme, c’est-à-dire le développement d’interférences lexicales et idéologiques entre extrême droite, droite, gauche modérée et gauche radicale, bénéficie surtout à l’ultraconservatisme. (...)