
Des enfants ukrainiens, russes et biélorusses qui n’étaient pas nés au moment de l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl vivent contaminés par la radioactivité. L’association Les enfants de Tchernobyl en accueille chaque été en France pour faire baisser leur taux de césium 137 et réduire les risques pour leur santé.
Pour ces jeunes, le départ en vacances a commencé d’une curieuse façon. Avant de décoller pour la France, les quatre-vingt-douze enfants ukrainiens, âgés de 8 à 17 ans, se sont rendus à Kiev pour mesurer leur charge corporelle en césium 137. Cet élément, issu de la fission de l’uranium, est un des marqueurs de la présence de radioactivité. Ce séjour estival loin de chez eux devrait leur permettre de faire baisser leur taux de radioactivité.
Pour vingt d’entre eux, c’est leur premier séjour en famille d’accueil. Pour les autres, les retrouvailles étaient très attendues, du côté des familles d’accueil comme des enfants. L’association Les enfants de Tchernobyl organise ces séjours depuis 1993 et accueillait cet été ses 56e et 57e groupes, soit 161 enfants pour 2019 : en juillet les Ukrainiens et en août les enfants russes.
La contamination par l’alimentation est la plus nocive
« Ce sont des enfants de familles très pauvres. Ils n’ont pas souvent la possibilité d’aller vivre ailleurs », explique Catherine Albie, membre de l’association, qui s’est rendue plusieurs fois dans les villages à proximité de la centrale ukrainienne. La population avait été évacuée dans une zone d’exclusion de trente kilomètres autour de la centrale dès 1986, sans que le périmètre soit élargi depuis. Or, des villages bien plus éloignés présentent toujours des taux de césium 137 trop élevés.
Thierry Meyer, président et fondateur de l’association Les enfants de Tchernobyl, se rend régulièrement en Ukraine pour rencontrer les habitants ou aider à mesurer la radioactivité des sols. (...)
Cette ville se situe à une centaine de kilomètres de Tchernobyl. Comme à Novozybkov, en Russie, d’où proviennent les enfants accueillis au mois d’août. La ville, jamais évacuée malgré son classement en « zone d’évacuation », peut révéler des taux de césium supérieurs à certains endroits de la zone interdite de Tchernobyl. Ce fut notamment le cas dans une des cours d’école.
On a du mal à comprendre qu’on puisse continuer à vivre dans ces endroits-là, en Russie, en Ukraine mais aussi en Biélorussie. « Tous les gens qui avaient un peu d’éducation et qui comprenaient ce qu’il se passait sont partis, explique Thierry Meyer. La radioactivité est inodore, incolore, on ne sent rien du tout sur place et la région autour de Tchernobyl est belle, ça peut être difficile à comprendre. » (...)
La contamination par l’alimentation est la plus nocive et les habitudes locales ne font qu’empirer les choses. La cueillette, la chasse et la pêche, en plus d’être fermement ancrées dans les habitudes, constituent un moyen de subsistance pour les familles défavorisées. Or, c’est justement dans ces aliments que la radioactivité est la plus forte. Surtout les champignons, qui absorbent de grandes quantités de césium 137 et peuvent constituer le plat principal des familles durant des semaines.
Autre facteur de contamination : le bois des forêts (...)
les familles ukrainiennes vivant dans ces zones se chauffent essentiellement au bois, qu’elles ramassent dans les forêts autour de la centrale. En brûlant, le bois libère des particules de césium 137, lesquelles sont ensuite inhalées. Puis, les cendres étant souvent utilisées comme engrais dans le potager, elles contaminent les aliments cultivés. Et si cela ne suffisait pas à noircir le tableau, les fréquents incendies de forêt remettent en suspension la radioactivité contenue dans les arbres. (...)
Ainsi a-t-on pu constater des maladies comme l’arythmie cardiaque ou encore des infarctus du myocarde. Mais les pathologies ne se limitent pas au cœur : chez les habitants restés sur place, on constate une augmentation des cancers, des troubles de la thyroïde, ou encore des désordres hormonaux. (...)
Le séjour en France permet à ces enfants de faire baisser leur taux de césium 137 d’environ 30 % à raison de 10 % par semaine. Le simple fait de changer d’alimentation suffit à améliorer l’état de santé. Suffisamment pour traverser l’automne et l’hiver, soit pendant la saison des champignons, des baies et du chauffage au bois. (...)
Cette année, c’est la première fois que l’association a fait venir un « petit-enfant de Tchernobyl » : plus de vingt ans après sa mère, Natalya, le petit Petro a été accueilli dans une famille alsacienne. Tous ces enfants, qui n’étaient pas nés au moment de la catastrophe, souffrent de la radioactivité plus de trente ans après le drame. Ces territoires resteront contaminés pour des dizaines de milliers d’années.