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Reporterre
Total veut faire du biocarburant en important massivement de l’huile de palme
Article mis en ligne le 6 novembre 2017

La raffinerie de Total, dans les Bouches-du-Rhône, se prépare à produire du « biocarburant ». Problème : elle fonctionnera à base d’huile de palme, qui est une cause majeure de déforestation et d’émissions de gaz à effet de serre dans les pays tropicaux.

Samedi 4 novembre, 29 militants des Amis de la Terre et des collectifs Alternatiba de Martigues, Aix-en-Provence et Marseille ont occupé pendant près d’une heure la station essence du groupe Carrefour à Châteauneuf-les-Martigues. L’action visait à alerter contre la présence d’huile de palme dans les biocarburants. Il s’agissait plus largement de protester contre la reconversion en bio-raffinerie du site de Total à la Mède, sur la même commune. Malgré le démenti de la direction au niveau national et un contexte peu favorable, tout semble indiquer que le site produira du biocarburant à base d’huile de palme. Problème : l’importation d’huile de palme participe à la déforestation dans les pays tropicaux, et donc aussi à l’émission de gaz à effet de serre. (...)

Contrairement au procédé traditionnel d’estérification, la production de biocarburant à base d’HVO permet d’incorporer à un taux de quasiment 100 %, des huiles jusqu’alors inutilisables dans les biocarburants pour moteurs diesel. Parmi elles, on compte des huiles usagées, mais aussi de l’huile de palme. L’annonce par Total de ce projet avait ainsi suscité une vive réaction des organisations écologistes. Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes aux Amis de la Terre, s’en était ainsi inquiété dans une tribune publiée par Reporterre en décembre 2016, écrivant qu’ « à elle seule, cette usine doublerait la consommation française d’huile de palme ».
À un peu plus de six mois du début de la production de biodiesel sur le site, Reporterre a pu se procurer les dossiers déposés en préfecture par Total. Si la firme n’a toujours pas déposé de plan d’approvisionnement officiel, et que l’autorisation d’exploiter n’a pas encore été délivrée par la préfecture, on peut déjà constater l’incohérence entre les déclarations de l’entreprise et les intentions chiffrées dans ces documents. (...)

Total n’assume pas le choix de l’huile de palme publiquement, mettant plutôt en avant l’activité de transformation d’huiles usagées. Comme l’explique à Reporterre une porte-parole de la compagnie jointe au téléphone au siège national de la compagnie, « Il n’est pas du tout acté que l’on fasse une grande majorité d’huile de palme, ce qui est très clair c’est que l’on a fait exprès de concevoir la bioraffinerie, pour pouvoir traiter 30 % à 40 % d’huiles alimentaires usagées ou d’huiles résiduelles ».

La réalité semble pourtant plus complexe. (...) Total propose dans son dossier d’installations d’importer la majorité de ces huiles de pays d’Afrique du Nord, d’Asie et potentiellement des États-Unis.

Mais au-delà des quantités, ce que révèle le dossier administratif est que la « bioraffinerie » semble « taillée » pour traiter une large quantité d’huile de palme. (...)

Si les biocarburants à base d’huile de palme sont criticables sur le plan écologique, c’est parce qu’ils ont un impact notable en matière d’émission de gaz à effet de serre et de déforestation. Un rapport du ministère de l’Environnement de décembre 2016 estime que l’huile de palme compterait pour 50 % de la déforestation en Indonésie et 30 % en Malaisie sur la simple période 2000-2009.

Par ailleurs et comme l’analyse un rapport des Amis de la Terre : « L’utilisation de l’huile de palme en carburant pousse la demande à la hausse, et vu les volumes requis, conduit inévitablement à la création de nouvelles plantations […] les certifications s’arrêtant aux limites des parcelles certifiées, elles ne peuvent pas limiter les effets indirects. » (...)

différents systèmes visant à certifier le caractère « durable » de l’huile de palme ou du biocarburant qui en résulte sont cependant pointés du doigt par de nombreux acteurs. La Cour des comptes européenne avançait ainsi dans un rapport de mai 2016 que « le système de certification de la durabilité des biocarburants de l’UE n’est pas totalement fiable ».
Le label RSPO, qui rassemble des acteurs impliqués dans la filière de l’huile de palme, a ainsi été critiqué plusieurs fois pour son laxisme. Amnesty International a notamment médiatisé le cas du géant de l’huile de palme Wilmar. Labellisé RSPO, cette entreprise, qui gère 40% du marché de l’huile de palme mondial, a été impliquée dans des incendies de forêt volontaires et des atteintes aux droits de l’homme comme des accaparements de terres, du travail des enfants, des conditions de travail dangereuses ou une discrimination systématique envers les femmes sur les plantations.

Le plan Climat de Hulot vise notamment à « mettre fin à l’importation de produits contribuant à la déforestation » (...)

D’après les Amis de la Terre, les lignes bougent aussi du côté des distributeurs de carburants des grandes enseignes, qui représentent 60 % des ventes en France. Système U et Leclerc se sont ainsi déjà engagés à exiger de leurs fournisseurs qu’il n’y ait pas d’huile de palme dans leur carburant. Carrefour a également déclaré qu’il « évaluait la situation », tandis que d’autres distributeurs pourraient suivre.
Du côté de Total et malgré les déclarations indiquant le contraire, la décision semble tranchée. Comme nous l’a révélé un membre de la CGT du site de la Mède : « Total nous a dit une chose simple et c’est ce qu’ils ont dit au ministre a priori, si jamais il n’y a pas d’huile de palme à la Mède, ils fermeront le site. Le site ne fonctionnera pas s’il n’y en a pas au moins 60 %. »