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Tenir le racisme à distance Ou comment américaniser pour mieux dénier
#racisme #universalisme
Article mis en ligne le 2 janvier 2023
dernière modification le 1er janvier 2023

(...) Le livre du jour est un court et incisif essai, intitulé tout simplement Universalisme. On connait la chanson : l’universalisme, indissociable de « l’esprit français », ferait face à un péril mortel : un « nouvel » antiracisme, « communautariste », dont la grille de lecture serait « racialisante ». Mais de quel universalisme parle-t-on ? Telle est la question, opportune, que nous posent Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau. Les auteur·ice·s reviennent sur la définition des concepts même d’universel et d’universalisme, et interrogent la singulière privatisation dont ils font l’objet – et même, pourrait dire, leur nationalisation et leur racialisation. À la suite d’Aimé Césaire et de quelques autres, Niang et Suaudeau proposent une critique bienvenue de cette « raison pseudo-universaliste » qui fait toujours office, de longue date mais aujourd’hui plus que jamais, de kit idéologique pour nos classes dominantes, en lui opposant un universalisme moins abstrait – et surtout moins factice – qui peut être qualifié de « postcolonial » ou de « créolisé »

À l’heure où les forces politiques les plus réactionnaires et extrémistes, les plus étroitement et agressivement identitaires, se réclament de la « tradition française universaliste », et brandissent ces termes pour disqualifier voire criminaliser toute revendication égalitaire de la part des « racisé·e·s », cette réflexion est évidemment bienvenue.

En guise d’introduction à un ouvrage salutaire, nous en proposons un second extrait, consacré aux politiques de la mémoire, et plus précisément à une singulière « écologie des lieux de mémoire », qui s’évertue à reléguer dans les périphéries ce qui a eu lieu au cœur de notre beau pays. (...)

Combien de parcs, de stations de métro, de rues, de centres de loisirs portent le nom de Martin Luther King ? Rosa Parks ? Nelson Mandela ? Voilà de dignes héros antiracistes. James Baldwin. Marielle Franco. Pourquoi ? Parce que ces gens ont combattu un système d’oppression et l’idéologie de la suprématie blanche aux États-Unis, en Afrique du Sud ou au Brésil – loin d’ici. Appliqué à la France, où le racisme n’aurait pas d’historicité, l’antiracisme devient une lubie toxique, une maladie infantile de l’intellectuel, de l’universitaire ou de l’artiste. Pourquoi le racisme français demeure-t-il un impensé, objet d’un malaise diffus et de multiples refoulements historiques et linguistiques ? (...)