
Moments passablement rugueux. Élections prochaines parodiées et violées d’emblée, citoyens en colère, très en colère même, se sentant piégés par les maîtres du jeu et par les politiciens escrocs, nouveaux comme anciens. La vague de l’espoir SYRIZA étant délibérément brisée sur la digue du mémorandum Tsipras, rien ne sera plus comme avant. Les Grecs s’abstiendront peut-être massivement lors du prochain scrutin, ou sinon, ils iront voter comme... pour vomir dans le siphon de la dictature imposée.
(...) En ville ou en campagne les slogans récents en faveur du ‘NON’ demeurent intacts mais trahis, les passants les dépassent alors muets baissant la tête et serrant souvent leurs poignées. D’où cette... extraterritorialité sociétale avérée, quant aux résultats hypothétiques présentés par les sondeurs de la dite opinion. En réalité, dans le désert démocratique de la Grèce des Colonels eurocrates, tout est fait désormais de sable mouvant. (...)
Mais je crois comprendre que les Athéniens s’attardent... davantage devant les étalages de livres d’occasion sur les trottoirs de la ville, temps qui courent et temps qui blessent. Sauf que certaines nouvelles pratiques de bon sens se généralisent enfin, y compris et surtout dans les quartiers résidentiels : au lieu de les mettre aux ordures, de nombreux objets et vêtements sont désormais proposés à autrui.
Les pratiques changent... sauf peut-être en politique. Effrayé par les sondages supposés connus ou confidentiels, SYRIZA... Tsiprochtone, remplace déjà son slogan politique central, pour mieux parfaire son image médiatique à défaut de contenu, autre que le diktat du mémorandum. De “Seulement devant” on passe à “Nous gagnerons nos lendemains” et tout le monde comprendra que SYRIZA serait déjà une formation politique... sentant le formole. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que Thodorís Kollias, ce brillant politologue très proche d’Alexis Tsipras, celui-même qui rédigeait les discours du chef de SYRIZA a (de son tour) démissionné cette semaine.
“Je ne peux plus supporter ce gaspillage en six mois seulement, de la plus grande victoire électorale de la Gauche à travers toute l’Europe. Je ne peux pas supporter le gaspillage en une heure seulement, du NON à 62% du peuple grec, face à un énorme coup d’État politique, médiatique et d’ailleurs initié par les banques. Ces élections législatives du 20 septembre ne sont autre chose, qu’une action d’épuration au sein du groupe parlementaire SYRIZA, le tout, en construisant l’indispensable désormais ennemi intérieur. Il s’agit du dernier épisode de la scission du parti. Je démissionne pour tout ce que je n’ai pas pu faire, pour tout ce que je n’ai pas pu dire, pour tout ce que je n’ai pas pu empêcher”. Le... discours d’une certaine méthode. (...)
SYRIZA... galvaudé perd chaque jour davantage ses neurones de gauche. Fait très marquant, la majorité des membres dirigeants au comité central des jeunes de SYRIZA, a quitté officiellement le giron syriziste cette semaine. Un gros pavé, néanmoins largement ignoré par la presse et par les medias mainstream.
“Le choix du mémorandum III, soutenu activement par SYRIZA ainsi que son adoption par ce parti en... qualité d’horizon stratégique, son gouvernementalisme inconditionnel, sa marginalisation complète et son discrédit aux yeux de la population, telles sont les principales raisons de cet échec. De ce fait, nous ne pouvons plus nous maintenir actifs au sein de SYRIZA, et encore moins défendre la poursuite d’une stratégie de gauche, car cette dernière est désormais impossible au sein de ce SYRIZA depuis sa mutation”. C’est explicite. (...)
Panagiótis Lafazánis a aussi déclaré que “l’euro implique les politiques d’austérité sauvages, l’élimination de la démocratie et le néo-colonialisme. Certes, le chemin vers le retour de la drachme sera difficile, mais j’espère que nous irons de l’avant parce que la balance commerciale sera excédentaire”.
Le projet électoral de l’Unité Populaire comprend “la nationalisation stratégique des banques, l’interruption du paiement de la dette, car elle est illégale, ainsi que l’annulation de toutes les mesures des mémoranda et d’abord, de celles imposées par le mémorandum III”. En réponse à une question posée par un journaliste au sujet de la place de la Grèce au sein de l’UE, le chef de la nouvelle formation de gauche s’est dit favorable à la tenue d’un référendum (rester ou sortir), avant de prédire que “de toute manière, suite aux élections du 20 septembre, il y aura un gouvernement d’alliance de quatre partis, SYRIZA, Nouvelle Démocratie, PASOK et To Potami” (le parti de la Rivière... européiste). (...)
L’Unité Populaire, côté ambiance et pas uniquement, ne peut que renvoyer (en ce moment) à un certain clonage... de SYRIZA de 2012, le mémorandum Tsipras en moins et la drachme en plus. Lorsque je discute avec les plus clairvoyants (ou les plus loquaces) parmi les Lafazanistes, le constat est plutôt aigre-doux : “Nous ne savons pas encore où nous allons. Le paysage politique a été pulvérisé par le mémorandum Tsipras. La Gauche a subi une énorme défaite à caractère historique et elle le payera cher. Peut-être bien, le KKE se renforcera mais c’est tout. L’Unité Populaire réalisera un score entre 3% et peut-être 10% ou plus, personne ne le sait. Chez SYRIZA même... ils ne sont plus tellement sûrs de rien. Seulement, le label SYRIZA est à terme grillé, mort. Le scrutin du 20 septembre inaugurera une nouvelle phase dans les rapports entre les formations politiques. Et il y aura bien de surprises, scissions recompositions. La suite historique et politique se mettra alors en route durant les mois et les années... apocalyptiques qui nous attendent”. (...)
La situation dans les îles grecques de l’Égée orientale est désormais hors contrôle. Sur le port de Mytilène où s’entassent certaines milliers d’immigrés et de refugiés, c’est comme un avant-goût du conflit... qui vient. Entre la destruction d’une partie du port, l’arrêt de son activité et la violence entre migrants et la violence tout court, la société se trouve autant au bord de l’insurrection, paraît-il au besoin armée, histoire de se protéger elle-même, comme de protéger ses biens et son territoire.
D’après les reportages du moment, la situation dans le port de Mytilène est dramatique, il est désormais occupé par les immigrants et les réfugiés, situation dénoncée dans une lettre ouverte du président de l’Autorité portuaire de Mytilène Sotíris Zamtrakis.
“L’occupation complète du port de passagers de Mytilène par les immigrants et les réfugiés a été accomplie. Et autant, la destruction complète de toutes les installations portuaires. Il est désormais impossible de fournir nos services aux passagers, aux navires de fret ou aux bateaux touristiques et de plaisance. L’ensemble de la zone du port a été transformée en un vaste dépotoir d’ordures où les gens font aussi leurs besoins... à défaut d’autre solution. Le risque sanitaire est permanent et d’ailleurs visible. Les émeutes et les violences non seulement entre réfugiés, mais aussi, entre eux et les habitants de Mytilène est une question de jours ou d’heures seulement”, (quotidien Kathimeriní du 4 septembre). L’histoire est en route et en déroute une fois de plus.
Dans les cafés d’Athènes, le constat est très amer. “Ils nous dépossèdent de notre pays, d’en bas par les migrants, comme d’en haut par la Troïka. Nous ne savons plus comment réagir... et ce Tsipras, il a démissionné pour en arriver là... aux élections de la grande foutaise. Ces gens se moquent alors de nous et de tout”. (...)
Les Grecs, lorsqu’ils le peuvent, quittent aussi leur pays massivement. Le mémorandum Tsipras a même accentué cette tendance. Les organisations syndicales des petits et moyens entrepreneurs lancent à leur manière un dernier cri d’alarme... la mort est proche. Leurs adhérents très affaiblis s’apprêtent à pratiquer... l’activité informelle à très grande échelle, d’ailleurs c’est déjà presque fait. (...)