
Ne pas porter le voile est désormais assimilé à un crime en Iran, où des caméras « intelligentes » traquent les contrevenantes. Dans tout le pays, les attaques chimiques contre les écoles pour filles ont repris.
Les autorités l’appellent « le plan pour le hidjab et la chasteté ». Il est entré en vigueur le 15 avril et se veut la réponse, ultra-répressive, du régime à la révolution culturelle en cours, qui voit désormais des milliers d’Iraniennes sans le moindre voile marcher dans la rue, prendre le métro, aller à l’université ou faire leurs achats dans des supermarchés, ce qui était impensable avant la mort en détention, et sous les coups, de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, à Téhéran.
Dans la capitale iranienne, des vidéos montrent également de plus en plus de femmes porter des jupes sur les grandes avenues et même quelques hommes en short, des tenues strictement prohibées par le code vestimentaire et toujours passibles d’amendes, voire de peines de prison en cas de récidive. (...)
Désormais, avec la nouvelle loi, refuser de porter le voile est assimilé à une menace contre la sécurité nationale – ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Fin mars, le tout-puissant chef de l’autorité judiciaire, l’ayatollah Gholamhossein Mohseni Ejei, a ainsi fait savoir que toutes celles qui seraient surprises sans hidjab dans l’espace public seraient considérées comme des ennemies de l’État et des valeurs islamiques. Et « punies » en conséquence. (...)
Des parlementaires à l’origine de la nouvelle loi ont même souligné que « le refus du voile faisait partie d’un plan complexe préparé par des ennemis pour déstabiliser le pays et perturber l’ordre social ». Dans les villes du pays, les imams de la prière du vendredi, dont les prêches sont orientés par le Bureau du guide de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, ont invité les agents en civil à s’en prendre librement aux femmes non voilées. (...)
Pour aller plus loin dans la répression, les autorités ont commencé à installer des « caméras intelligentes » sur les places et les voies de circulation afin de pouvoir identifier les contrevenantes. (...)
Tolérance zéro
Les propriétaires de voitures recevront eux aussi une mise en garde si une passagère enfreint le code vestimentaire. Et, en cas de récidive, a ajouté Ahmad-Reza Radan, ils risquent la saisie de leur véhicule. (...)
Estimant que la désobéissance à cette loi ternit l’image spirituelle du pays et répand l’insécurité, elle a même exhorté les employeurs à faire respecter les règles en menant des « inspections assidues ». Le voile y est aussi décrit comme « l’un des fondements civilisationnels de la nation iranienne ».
Autres victimes de cette guerre menée aux femmes, les commerces, grands et petits. À la mi-avril, 137 magasins, dont des pharmacies, et 18 restaurants avaient déjà été fermés pour avoir accueilli les femmes non voilées, selon un porte-parole de la police.
Alors que nombre de spécialistes pariaient sur un assouplissement du régime sur la question du voile, notamment sous la pression des factions réformatrices et, surtout, de certains officiers des pasdarans (gardiens de la révolution) inquiets de la détérioration de la situation intérieure, c’est au contraire un réel durcissement qui s’annonce. À l’évidence, bien plus que le président Raïssi, que l’on a peu entendu sur ce sujet, c’est le Guide suprême qui en est l’instigateur. (...)
Jusqu’à présent, la répression n’a pas freiné l’appétit de liberté vestimentaire des femmes iraniennes. Certaines ont aussitôt répliqué en postant des selfies sur lesquels elles se montrent tête nue. « Bonjour à tous, excepté au chef de la police et ses caméras », a tweeté l’une d’elles.
Même prise de risque dans les milieux artistiques. (...)
« Le nizem [système – ndlr] ne réussira pas à nous faire revenir en arrière. Nous ne porterons plus jamais le voile. Il nous menace d’amendes pouvant aller jusqu’à un milliard et demi de tomans [25 000 euros – ndlr] mais nous ne céderons pas », s’exclame une habitante de Téhéran, contactée par téléphone.
Autre sujet qui suscite la colère des autorités et l’indignation des religieux, l’apparition sur les murs des universités et des parcs de Téhéran des premiers slogans pro-LGBTQ tels que « La communauté LGBTQ s’est levée » ou « Nous sommes la voix des LGBTQ : libération ou nous mettons le feu à la nuit ». (...)
En revanche, la police ne s’intéresse visiblement pas aux attaques chimiques contre les écoles de filles qui ont repris après les vacances de Norouz, le nouvel an iranien. Les 16, 17 et 18 avril, les établissements d’une douzaine de villes, grandes et petites, ont ainsi été ciblés. (...)
Pour la première fois, le Guide suprême, qu’il est interdit de critiquer sous peine de prison, l’a été publiquement, qui plus est par les siens. Le 18 avril, lors d’une réunion avec des étudiants membres du Bassidj (la milice islamique, dont Khamenei est le chef, selon la Constitution) triés sur le volet, l’un d’eux lui a coupé la parole et a accusé le gouvernement de ne pas « écouter la voix du peuple » et de « continuer à manquer de transparence ». Cet extrait de la rencontre a été supprimé de la vidéo publiée sur le site officiel de Khamenei.