
Jean-Philippe Derosier, professeur agrégé de droit public, membre de l’Institut Universitaire de France et auteur du blog "La Constitution décodée" estime que la primaire populaire est "illégale" parce qu’elle s’apparente à un sondage.
"Le processus supposé permettre une candidature commune pour la gauche à l’élection présidentielle , en désignant la personnalité la plus à même de porter les valeurs écologiques, démocratiques et sociales, est illégal. Pour bien le comprendre, il faut d’abord cerner de quoi l’on parle. Car, bien qu’elle en porte le nom, cette initiative n’est pas une primaire. Et bien qu’elle n’en porte pas le nom, elle n’est autre qu’un sondage. Elle n’est pas une primaire non pas en ce qu’elle est organisée par une structure différente d’un parti politique, mais bien parce qu’elle entend soumettre à l’appréciation de ceux qui exprimeront un choix, des personnalités qui ont expressément refusé de s’y inscrire. (...)
Des personnalités politiques inscrites "contre leur gré"
Le processus des ’primaires’, en France, n’est régi par aucune loi ni par aucun règlement et il est dès lors délicat de le définir précisément. Cependant, l’inexistence d’une réglementation spécifique en matière de primaires n’exclut pas de respecter la réglementation générale en matière d’élection. De prime abord, il paraît délicat d’inscrire, contre son gré, quelqu’un dans un ’processus’ électif (telle est la dénomination retenue par ce collectif associatif). Or plusieurs personnalités ont indiqué leur refus de se prêter à l’exercice, tandis que les responsables du collectif ont laissé entendre que le processus les inclurait malgré tout. On songe en particulier à Anne Hidalgo , Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon . (...)
De surcroît, dans le cadre d’une élection spécifique, a fortiori l’élection présidentielle, réaliser un tel processus à l’égard de candidats à cette élection qui ont expressément refusé d’y souscrire est susceptible d’altérer la sincérité du scrutin futur, en induisant potentiellement les électeurs en erreur, donc en ayant également un impact sur le résultat de l’élection présidentielle. Or le principe de sincérité du scrutin a valeur constitutionnelle, en ce qu’il résulte de l’article 3 de la Constitution.
Dès lors qu’une personnalité est soumise à un processus que, pourtant, elle refuse, on imagine les conséquences que cela peut avoir dans l’opinion des électeurs, au-delà même des simples prises de position et argumentations politiques. (...)
Une processus qui "s’apparente à une enquête statistique"
Cette initiative n’est donc pas une primaire, mais elle est un sondage. Ici, une législation existe grâce à la loi du 19 juillet 1977 : ’Un sondage est, quelle que soit sa dénomination, une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon’. La dénomination que l’on donne à un processus n’importe donc pas pour identifier un sondage. Ce dernier résulte, d’abord, de ’l’interrogation d’un échantillon’. (...)
Or l’expression de ceux qui se sont inscrits à cette ’primaire populaire’, appelés à indiquer leur ’préférence’, correspond à une telle expression et il ne s’agit pas du corps électoral dans son ensemble, mais bien d’un ’échantillon’. Ensuite, cette expression par ’préférence’ donnera une ’indication quantitative des opinions, souhaits, attitudes ou comportements’. L’objectif est d’encourager, voire de forcer les autres candidats à se replier derrière celui ou celle qui sera préféré. Ne s’inscrivant dans aucun processus réel et délibéré de sélection d’un candidat à l’élection présidentielle, tels ceux organisés directement ou indirectement par les partis politiques en vue de désigner un candidat à une élection,
tout en étant refusé par certains des participants qui y sont néanmoins inclus, ce processus s’apparente bien à une ’enquête statistique’. Il a donc toutes les caractéristiques d’un sondage.
Les sondages sous soumis à des règles strictes
En définitive, si cette initiative est un sondage, elle doit respecter des obligations qui résultent de la loi et qui, à ce jour, ne paraissent pas satisfaites, surtout si l’objectif est de publier le résultat (ce qui paraît bien être le cas). (...)
Le processus appelé ’primaire populaire’ est donc bien illégal, du moins à ce stade. Rappelons qu’une violation de la loi sur les sondages et des obligations qu’elle impose est passible de 75.000€ d’amende."
Il faut quand-même écouter le président de cette #PrimairePopulaire.
Il dit explicitement qu'il veut :
-bloquer les parrainages de Mélenchon ou Jadot.
-les critiquer dans les médias, RS pour "faire baisser leur côte de popu"
-empêcher leurs prêts
Bref briser les dynamiques 1/2 pic.twitter.com/HBJcLcgeCt— R𝝋ge against the Macron🐝 (@SilkysilkK) January 16, 2022
— R𝝋ge against the Macron🐝 (@SilkysilkK) January 16, 2022