
Sous l’impulsion des fondamentalistes chrétiens, le créationnisme tente de s’implanter dans notre pays. Avec des spécificités qui le différencient de son grand frère américain.
Depuis quelques dizaines d’années, les créationnistes français ont repris le discours que leurs homologues américains rabâchent pour expliquer les origines de l’homme : la Terre a 6.000 ans, l’humanité a pour ancêtres Adam et Ève, le Déluge est un fait historique, les humains et les dinosaures ont coexisté, la théorie de l’évolution est une imposture.
Ce mouvement fondamentaliste, qui s’appuie sur une lecture au pied de la lettre des Écritures, est né aux États-Unis au XIXe siècle, en réaction à la parution de L’Origine des espèces de Charles Darwin. Il séduit un grand nombre d’Américaines et d’Américains –près de 40% d’entre eux déclarent croire au récit de la Genèse– et est même enseigné dans certains établissements privés, abondamment financés.
Créationnisme pur jus et « Intelligent Design »
Promu à l’origine par les protestants, il s’est déployé progressivement au XXe siècle, pour en arriver dans les années 1990 au concept d’« Intelligent Design » (« dessein intelligent », en français). Une théorie plus douce qui, sans renier l’évolution darwinienne –cette position n’étant plus défendable au regard des innombrables découvertes scientifiques accumulées, explique que l’évolution du vivant a été, depuis ses origines, entièrement façonnée par le Créateur.
Le créationnisme pur jus comme l’« Intelligent Design », défendus par quelques scientifiques polémiques, trouvent en France un certain écho, notamment dans les milieux chrétiens fondamentalistes.
Mais en terre laïque, cette remise en cause radicale de l’évolution –et plus largement de la science– prend des tournures extrêmes et va encore plus loin que ce qui peut se dire, s’écrire et se penser aux États-Unis. Chez nous, les créationnistes dévoilent le visage le plus sombre de l’extrémisme religieux, avec des théories délirantes propices à toutes les dérives, y compris identitaires (...)
Sur Facebook, le groupe « Dédarwinisez-vous », 780 membres au compteur, fait depuis l’année dernière une promotion acharnée du créationnisme. Son administrateur, qui se prétend biologiste, serait proche de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, un groupe catholique intégriste fondé en 1970 par l’archevêque excommunié Monseigneur Lefebvre, dont le quartier général est l’église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris. (...)
Tout le discours anti-Darwin pourrait simplement prêter à sourire. Mais derrière ces gesticulations sur les réseaux sociaux se cache un but clairement politique. Il y a quelques mois, « Dédarwinisez-vous » imaginait un projet de réforme de l’Éducation nationale pour le moins radical. (...)
La proposition visait tout simplement à faire entrer le créationnisme à l’école –où, d’après une enquête réalisée en 2007 par l’enseignante Marie-Pierre Quessada, 2% des professeurs de biologie seraient créationnistes. (...)
Il ne s’agit plus du simple débat sur nos origines, nous explique Jacques Arnould : « Les créationnistes sont pris dans un dilemme. Ils pensent que la science met leur foi en danger. Ils entretiennent un rapport très particulier avec la Bible, qui pour eux ne peut être contredite. Ils se sentent donc investis de la mission de défendre les Écritures. Ils oublient simplement de faire rentrer dans leur logiciel un élément très important dans la religion, l’intelligence. Car seule l’intelligence permet de comprendre toute la complexité de la Bible et de l’adapter au monde moderne. »