
Une de mes nièces d’adoption, Marie, jeune amie de 38 ans aujourd’hui, m’a envoyé ce texte ce matin. Je voudrais m’offrir un cadeau, m’octroyer le droit de parler, a-t-elle écrit. C’est un texte d’une force extraordinaire car il rend universelles toutes les malfaisances des éternels impunis et les douleurs subies. Il dit toute la profondeur du préjudice sans jamais le nommer.
Le 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes, c’est aussi mon anniversaire, mes 38 ans. Je voudrais m’offrir un cadeau, m’octroyer le droit de parler.
J’en ai jamais rien eu à faire des Césars, mais grâce à Adèle qui s’est levée, Aïssa qui a pris la parole et Virginie qui a balancé son texte comme une bonne droite dans la gueule, je me sens moins seule, je me sens des milliers, des millions.
Je suis femme, artiste et victime, je ne peux pas séparer les trois.
Être victime, c’est ma force et ma rage, ma résilience et mon pardon.
C’est aussi mes cris étouffés et mon insécurité permanente.
Être victime m’a donné un super pouvoir, celui de l’empathie.
Mais comme un super pouvoir implique de grandes responsabilités, je ne peux pas faire autrement que d’entendre et d’écouter les souffrances des autres.
Je me sens nous toutes, je me sens nous tous, victimes de violences sexuelles, homophobes, racistes, policières, judiciaires, arbitraires…
Le point commun qui me révolte et me révulse c’est l’impunité des agresseurs et le silence complice d’une grande partie de la société qui étouffe nos cris et nous force à ravaler nos larmes, bien profond au fond de la gorge.
Tout comme je ne suis pas qu’une victime, je ne pense pas qu’un agresseur, qu’un violeur, qu’un policier qui commet une « bavure », ne puisse être réduit qu’à son état de bourreau, je ne le condamne pas à mort. Je crois en la rédemption, en la réhabilitation, en la guérison. Mais pour cela il faut que le criminel reconnaisse son acte, qu’il prenne conscience du mal qu’il a fait, qu’une forme de justice soit faite.
Il faut arrêter de les excuser, de légitimer leur violence, de faire constamment porter la faute sur la victime : pourquoi elle n’a pas dit non ? Comment elle était habillée ? Pourquoi a t’il résisté au policier s’il n’avait rien à se reprocher ? Pourquoi elle n’a pas parlé plus tôt ? Pourquoi elle nous parle des rôles qu’on ne lui donne pas au cinéma ?
Ces questions ne sont plus audibles pour moi, ces questions réveillent ma rage, alors je vous demande de vous poser la question, mais réellement, d’y réfléchir. Nous avons tous nos failles et nos blessures, utilisez vous aussi votre super pouvoir d’empathie et vous percevrez sans doute les réponses.
Vous vous tiendrez peut-être au côté d’Aïssa Maïga, et vous questionnerez sur votre propre racisme, vos propres clichés, vous savez que vous n’avez rien à vous reprocher, très bien, alors ne l’accueillez pas si froidement, ne la rejetez pas , accueillez sa parole et demandez vous ce que vous pouvez changer à votre niveau. (...)