
Ainsi, il n’y aurait plus rien à faire qu’à laisser se produire le désastre. Parce qu’on ne sait plus comment reprendre le combat, comment se dresser à nouveau, et, verticaux, faire face. Parce qu’ils nous ont fait perdre nos moyens et la force d’exiger le respect de nos droits, de revendiquer ce qui légitimement nous revient. Puisque notre monde tourne à l’envers, puisqu’aujourd’hui les patrons entraînent les salariés dans de fausses révoltes qui ne profitent qu’aux patrons, puisque l’exploitation du travailleur est battue en brèche par l’angoissante absence d’exploitation du travailleur au chômage, puisque l’aliénation est telle qu’elle fait réclamer à grands cris une aliénation plus grande encore, que l’on confond avec la liberté...
Certains baissent les bras, d’autres les agitent en d’amples moulinets brassant l’air sans l’épurer, les derniers tombent dans le panneau de l’extrême droite et du bouc émissaire. Tant d’impuissance et de fatalisme après deux siècles de luttes sociales, qui ont remporté bien des victoires ! Mais quand l’espoir ne trouve plus en nous-même la source de son énergie, il nous faut regarder ailleurs pour puiser le désir d’un élan nouveau. Relevons la tête en quittant nos oripeaux européens et par un effort de nos volontés, devenons tous des femmes africaines ! (...)
Elles ont vécu, chacune, une histoire marquée par la guerre, le viol, la maladie, le deuil, la violence conjugale ou le veuvage qui les spolie. Mais ces femmes africaines, ces travailleuses sans aucun pouvoir, n’ont soudain plus peur. Elle osent penser par elles-mêmes et revendiquer ce qui leur semble juste au nez de leurs oppresseurs, quel qu’en soit le prix. Dongala se joue de la confrontation entre ce groupe de femmes pauvres, courageuses et déterminées, et un Etat corrompu, un pouvoir confisqué et arbitraire, qui souhaite passer pour exemplaire aux yeux de la communauté internationale. Puisque le pays est en voie de développement, qu’il est démocratique et que les femmes y sont respectées, hors de question qu’un groupe de casseuses de pierres (et de pieds) vienne ruiner l’effet paillette de la grande conférence des premières dames d’Afrique organisée par la « mère de la Nation », la femme du Président. Le pouvoir tente la dévalorisation du mouvement de protestation : « vous voulez me faire croire qu’une bande de femmes analphabètes, de petites tâcheronnes qui vivent à la petite semaine, ont pris l’initiative de monter une marche de protestation devant un commissariat de police sans quelqu’un derrière tirant les ficelles ? », hurle la ministre. Le pouvoir tente la corruption de Méréana. Mais les femmes finissent par être entendues, parce qu’elles se laissent guider par leur sens de la justice, parce qu’elles prennent des décisions collectives dans l’intérêt général, parce qu’elles prennent le risque de la solidarité, en surmontant leurs peurs pour créer un rapport de force suffisamment à leur avantage pour faire reculer l’oppresseur. (...)