C’’est la chose la plus proche de la lune que j’ai vue, si la lune ressemble vraiment à un désert désolé. En l’absence de références connues, ma tête a cherché des images vues dans des livres ou à la télévision. Les cendres et les pierres de plusieurs tonnes tombées quelques heures avant de la pente du volcan de Fuego au Guatemala, ont enterré San Miguel. Un village où on ne sait pas combien de personnes ont vécu, et où il sera difficile de déterminer exactement combien y sont mortes.
Les premières nouvelles que j’ai eues au sujet du volcan de Fuego (de feu) c’était le matin du lundi 4 juin, au lendemain de l’éruption. Quelques heures plus tard, j’ai reçu l’appel du rédacteur en chef de l’AFP en Amérique latine, qui m’a demandé laconiquement : "Pouvez-vous aller au Guatemala ce soir ?" "Bien sûr", ai-je répondu sans poser de question.(...)
"Méfie-toi, il y a mille façons de mourir", m’a écrit un ami d’Espagne quand il a su que je partais couvrir la tragédie. Mon collègue ne manquait pas d’argument. Le Guatemala a un des taux d’homicides les plus élevés au monde et dans ce pays d’Amérique centrale, les quatre éléments de la nature sont mis à contribution avec fureur, que ce soit par les effets des pluies qui tombent entre mai et novembre, provoquant des glissements de terrain et les inondations des rivières, des tremblements de terre ou même des ouragans. Sans oublier les volcans(...)
C’est difficile de reconstruire des histoires. La plupart de mes interlocuteurs ont traversé l’épreuve de témoigner à un journaliste avec des réponses laconiques. Ils avaient perdu des proches, de nombreux enfants, des parents, des grands-parents, des oncles ... Leurs maigres possessions avaient été avalés par la furie du volcan et leurs moyens de subsistance détruits.(...)
J’ai passé sept jours à parler à des dizaines de personnes touchées, avec la sensation récurrente d’empiéter sur leur chagrin. Même ainsi, ils étaient ravis que quelqu’un d’Espagne ait voyagé jusque-là pour raconter leur humble histoire. Ils vivaient dans des refuges surpeuplés, avec l’aide de dons privés, mais leurs besoins élémentaires étaient assurés. Les enfants ont explosé de joie quand des sacs de bonbons et de jouets sont arrivés dans leur abri à Escuintla.(...)
Ils craignaient que la générosité et l’attention des médias retombe avec l’intérêt porté à la coupe du monde en Russie. Rien d’inhabituel dans un pays avec un taux de pauvreté très élevé et dans lequel un candidat à la présidentielle s’est présenté au scrutin avec la promesse de faire participer le Guatemala pour la première fois à un Mondial.(...)
Avec la distance et la hauteur, j’ai pu constater que, outre la force de la nature, la tragédie devait beaucoup au hasard. La langue des cendres et des pierres ne faisait pas plus de 60 mètres de large, juste assez pour avaler le village et y tuer plus d’une centaine de personnes (près de 200 sont toujours portées disparues). (...)