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le Monde Diplomatique
Sortir de l’impasse européenne
par Frédéric Lordon
Article mis en ligne le 13 mars 2019
dernière modification le 11 mars 2019

Plutôt que de porter sur les problèmes communs de l’Union, les élections européennes juxtaposent vingt-sept scrutins de politique intérieure. Dans la plupart des États, les électeurs se prononcent surtout pour ou contre l’équipe au pouvoir. Mais la marge de manœuvre dont dispose chacun de ces gouvernements nationaux est très largement contrainte par les traités européens. Dans ces conditions, que faire ? Et, pour la gauche, comment s’en sortir ?

Un spectre hante la gauche : l’Europe. Il hantera les « gilets jaunes » du moment où ceux-ci se poseront concrètement la question des politiques alternatives — c’est désormais le cas. Car toute idée de faire « autre chose » est vouée à percuter le mur des traités. Desserrer les politiques austéritaires qui détruisent les services publics, fermer l’anomalie démocratique d’une banque centrale indépendante sans aucune légitimité politique, défaire les structures qui font l’emprise de la finance sur les entreprises comme sur les gouvernements, en finir avec la concurrence réellement faussée (par le dumping social et environnemental) ou les délocalisations en roue libre, reconquérir la possibilité des aides d’État : tout cela, par quoi passe nécessairement une politique de justice sociale, est rendu formellement impossible par les traités.

« Refaisons donc les traités ! » Après l’« Europe sociale », l’« euro démocratique » est l’illusion de remplacement qui permet à la « gauche inconséquente » de repousser encore le moment d’affronter le problème européen. De M. Yanis Varoufakis (lire son article, « Vers un printemps électoral ») à M. Benoît Hamon en passant par M. Raphaël Glucksmann, tout le monde veut « refaire les traités ». Disons-le-leur tout de suite : on ne refera rien.

Les traités ne sont une erreur que pour ceux qui considèrent qu’une communauté politique ne peut pas être assez tordue pour s’interdire à elle-même de redécider en matière de monnaie, de budget, de dette ou de circulation des capitaux, c’est-à-dire pour s’amputer volontairement des politiques qui pèsent le plus lourdement sur la situation matérielle des populations. Mais les traités sont parfaitement fonctionnels pour le petit nombre des autres qui, au contraire, poursuivent le projet à peine caché de sanctuariser un certain type de politiques économiques, favorables à un certain type d’intérêts. (...)