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"Sólo sí es sí" : en Espagne, la réforme de la loi sur le consentement sexuel divise la gauche
#femmes #violencessexuelles #Espagne
Article mis en ligne le 26 avril 2023

En Espagne, un rapport sexuel sans consentement explicite constitue un viol depuis l’entrée en vigueur de la loi dite "Sólo sí es sí" ("Seul un oui est un oui"), en octobre 2022. Mais les réductions de peine et les libérations anticipées qu’elle a permises ces derniers mois ont conduit à une réforme, votée au Parlement la semaine dernière. France 24 a consulté des experts du droit pénal en Espagne pour comprendre les enjeux de cette controverse politico-judiciaire.

Six mois après son application, la loi "Sólo sí es sí" ("Seul un oui est un oui") subit déjà des modifications, avec une réforme adoptée à la Chambre basse, jeudi 20 avril, qui doit encore être approuvée par le Sénat. L’adoption de cette loi pionnière pour la protection des droits des femmes contre les agressions sexuelles avait constitué un jalon historique en Espagne.

Portée par Podemos et entrée en vigueur en octobre, la loi a introduit l’obligation d’un consentement sexuel explicite. Une promesse faite par le gouvernement de gauche après un viol collectif qui avait indigné le pays en juillet 2016. En première instance, le tribunal avait condamné les agresseurs à neuf ans de prison pour abus sexuel et non pour viol, estimant que la jeune fille de 18 ans n’avait pas opposé de résistance.

Cette affaire, baptisée "La Manada" ("la meute", en français), a obligé le législateur à modifier le code pénal dans un sens plus restrictif. Il était jusque là nécessaire pour une victime de prouver qu’il y avait eu violence ou intimidation lors d’une agression pour qualifier les faits de viol. Avec la loi "Sólo sí es sí", les rôles sont inversés. C’est à l’agresseur de prouver qu’il y a eu consentement. (...)

Si l’Espagne est l’un des pays de l’Union européenne appliquant les peines les plus sévères pour les crimes sexuels – un maximum de 15 ans –, cette loi a eu pour effet pervers de réduire les peines d’environ 1 000 condamnés et d’en faire sortir de prison une centaine, selon les chiffres des tribunaux, provoquant un scandale dans le pays.

Pourquoi l’introduction de la loi a-t-elle conduit à des réductions de peine et à des libérations anticipées ?

La raison réside dans l’unification de tous les délits* sexuels, explique Patricia Faraldo, professeure de droit pénal à l’université de La Corogne ayant participé à l’élaboration de la loi.

En d’autres termes, avant l’entrée en vigueur de la loi "Sólo sí es sí", le Code pénal espagnol faisait la distinction entre le délit d’"abus sexuel", aux peines plus faibles, et celui d’"agression sexuelle", nécessitant la présence de violence ou d’intimidation pour être retenu.

Depuis, le délit d’"abus sexuel" a été supprimé par la loi, pour ne retenir que celui d’"agression sexuelle" incluant le viol. La mise en œuvre de cette loi a cependant entraîné une vive polémique, le texte ayant paradoxalement abaissé les peines pour certains types de violences sexuelles. (...)

Podemos, la formation de gauche radicale alliée des socialistes au sein du gouvernement, soutient que les réductions de peine sont dues à la mauvaise interprétation de juges "machistes". Mais pour l’avocat pénaliste et expert en crimes sexuels Álvaro Escudero, il s’agit plutôt d’une application de la loi et de la Constitution espagnole. (...)

pour Patricia Faraldo, également spécialisée en criminologie, la réforme représente un recul en ce qui concerne la protection des victimes. "Jusqu’à la loi de 2022, les femmes contre lesquelles des violences ont été exercées étaient plus protégées que les autres", relate l’experte. "Depuis la loi, la protection a été unifiée pour toutes les femmes. Mais avec la réforme de cette année, cette égalité de protection ne sera pas maintenue."