
La contribution de la France aux émissions mondiales de gaz à effet de serre ne se résume pas à celles produites sur son territoire. Dans un rapport publié mardi 6 octobre, le Haut conseil pour le climat montre qu’entre 1995 et 2018, les émissions de gaz à effet de serre liées aux importations ont crû de plus de 78 %, alourdissant considérablement le bilan carbone du pays.
(...) Dans son rapport annuel 2019, le Haut conseil pour le climat recommandait déjà au gouvernement que « les objectifs concernant les transports internationaux, aériens et maritimes [soient] intégrés et élevés au même niveau que les objectifs nationaux », ce qui n’est toujours pas le cas. « Aujourd’hui, les échanges internationaux sont relativement exclus du périmètre des engagements de la France et ne sont pas soumis aux politiques climatiques nationales », déplore Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat.
En août 2019, pour y remédier, le gouvernement a chargé le Haut conseil pour le climat de répondre à la question suivante : « Quelle est l’empreinte carbone des produits que nous importons et comment la réduire efficacement ? » Les douze membres experts du HCC y ont répondu dans ce nouveau rapport intitulé « Maîtriser l’empreinte carbone de la France ». Ce document est sans appel : il montre qu’en intégrant les rejets générés, à l’étranger, par les biens et les services importés, la contribution française au changement climatique est beaucoup plus lourde qu’elle ne le paraît. (...)
En cause : « La France commerce beaucoup, elle importe plus qu’elle n’exporte, et cette tendance se renforce depuis 1990 », écrivent les experts. Ses émissions importées « sont principalement originaires de l’Union européenne et de l’Asie » et seul « près d’un quart de ces importations sont issues de régions qui se sont engagées à la neutralité carbone », observe Corinne Le Quéré. Ces échanges sont principalement dopés par l’importation de produits manufacturés — comme des voitures, des smartphones, des ordinateurs, de l’électroménager —, de services — comme les prestations numériques (stockage de données) —, ou encore de produits agroalimentaires. (...)
« Pour que les émissions importées de la France contribuent le moins possible au réchauffement climatique et que la France ne puisse pas être suspectée de réduire ses émissions territoriales par un recours accru aux importations — faisant ainsi peser le poids de l’atténuation sur ses partenaires commerciaux — les émissions importées doivent diminuer », prévient le Haut conseil pour le climat. (...)
Le HCC a identifié plusieurs leviers d’action. « Le levier le plus important, ce sont les entreprises, affirme Corinne Le Quéré. Elles doivent limiter les émissions importées liées à leurs chaînes d’approvisionnement et augmenter la durabilité de leurs produits. » Les experts recommandent au gouvernement de renforcer les dispositifs obligeant à prendre en considération « les enjeux environnementaux », quitte à appliquer des sanctions, et d’élaborer des stratégies de réduction quantifiées des émissions importées par filière.
Autre levier, « l’instauration d’un “score carbone” permettant aux ménages de connaître l’empreinte climat de chaque produit qu’ils consomment », explique Corinne Le Quéré. Enfin, le HCC exhorte l’exécutif à « promouvoir des mesures de réductions des émissions importées » au sein de l’Union européenne et « à orienter la coopération internationale de la France vers le renforcement des engagements dans le cadre de l’Accord de Paris ».