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Silvio Berlusconi, bientôt le maître de l’industrie du livre italienne
Article mis en ligne le 24 février 2015

48 auteurs, dont Umberto Eco, se font littéralement traiter de communistes. Leur faute ? S’opposer à l’achat de RCS Libri par le groupe de Marina Berlusconi, fille de Silvio, Mondadori. Ce dernier reprendrait 99,9 % de RCS Libri, ce qui lui permettrait de détenir 40 % du marché du livre italien. Plus vraiment de quoi s’extasier de la diversité culturelle...

Deux sociétés historiques, deux grands groupes en Italie, et bien, à la fin, un seul et unique. Face à l’essor de la vente en ligne, il vaut mieux être puissant, la fusion de Penguin Random House l’a bien démontré au niveau international : on négocie mieux avec les vendeurs de la Toile quand on fait le gros dos. Mais en Italie...

Est-ce là l’expression du monopole, et de la concentration qui sévit partout dans le monde, selon une vieille tradition d’acquisition progressive des plus petits par de plus gros ?

Alors face à eux que pèsent ces 48 auteurs, dont beaucoup sont publiés par les maisons du groupe RCS. « Ce mariage ne peut se faire », clament les signataires d’un vigoureux courrier. La manœuvre orchestrée par Marina Berlusconi à des relents de Cavaliere qui déplaisent, et ils sont nombreux à souhaiter que la vente n’aboutisse pas.

Affolement général, actionnaires en embuscade

Les syndicalistes s’affolent, et l’on se demande comment le conseil d’administration de RCS pourrait valider une décision aussi importante pour l’avenir du groupe, dans une échéance aussi courte. Bien entendu, les difficultés financières sont là, mais comment vendre l’activité éditoriale dans son intégralité au principal concurrent ? Et surtout, quelles conséquences pour l’économie italienne du livre ? (...)

Le ministre de la Culture, Dario Franceschini, publié par la maison Bompiani, n’a pas caché ses préoccupations. Maintenant, explique-t-il, il a peur, pour sa liberté d’écrivain. « Il n’y a pas d’industrie plus délicate ni sensible pour la liberté de pensée et la création que celle du livre », affirme le ministre. Bien entendu, pas de liberté de pensée, sans liberté de marché, mais comment faire confiance au groupe Mondadori, quand la famille Berlusconi dispose d’un empire médiatique surpuissant ? (...)

Du côté des éditeurs du groupe, on s’inquiète tout autant : l’hypothèse d’une domination berlusconienne sur le secteur du livre est terrifiante. Et elle ne l’est pas moins pour les politiques. (...)

Le président de la Commission des Affaires sociales, Pierpaoo Vargiu, a des images plus contemporaines à l’esprit : « Avec le rachat de RCS Libri, Mondadori devient un véritable Pac Man de l’édition, en mesure d’engloutir en son sein différentes réalités éditoriales et leur identité distincte, en dévorant son autre concurrent du marché. Face à ces risques pour le pluralisme dans un secteur stratégique pour la culture italienne, il est impératif de déclencher l’alerte, sans parti pris libéral : que l’Antitrust veille et intervienne dans l’opération. » (...)

Quant à Umberto Eco, il mène sa croisade, contre la concentration prédatrice qu’il devine. Évidemment, le phénomène est inévitable, économiquement, mais le marché du livre reste en bonne santé, et la concurrence existe. « Quand un groupe devient plus puissant que tous, la libre concurrence est en crise. »

Se faire traiter de communiste ne l’embarrasse pas le moins du monde. Ce sont les journaux de droite qui s’enflamment. « En termes de marché, réduire la concurrence, c’est toujours le risque de réduire la qualité. Aussi, les auteurs, qui tous ensemble sont les poules aux œufs d’or des éditeurs, ne sont pas heureux de ce qui les menace. »

On a peine à croire que l’Autorité de la concurrence puisse accepter qu’un pareil monopole se mette en place, alors que le pays se débat pour encourager les citoyens à lire.
(...)