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Slate.fr
Scénarios de viol et dépréciation des femmes : le sexisme pourrit les jeux de rôle
Article mis en ligne le 3 mars 2019
dernière modification le 1er mars 2019

Isolement lors des parties, hyper-sexualisation des personnages féminins, banalisation du viol dans les scénarios... Voilà à quoi sont confrontées certaines joueuses de jeu de rôle.

Dans ces jeux, chaque joueur ou joueuse incarne un personnage. Imaginez que vous êtes le protagoniste d’une intrigue racontée par un narrateur, le maître du jeu. À voix haute, vous décrivez vos actions, vous dialoguez avec les autres personnages –les autres joueurs et joueuses– et vous faites avancer l’histoire dans le sens que vous voulez. Sauf que pour les joueuses comme Tamara, leurs histoires incluent souvent des viols, des tentatives de viols, des agressions sexuelles... (...)

« La banalisation du viol est régulière. Il est traité avec autant de considération qu’un vol à l’étalage. C’est souvent en mode “on s’en fout, c’est qu’un jeu, on fait ce qu’on veut, donc je viole la fermière et ses deux filles" », raconte Moïra, meneuse de jeu. Et s’il ne vise pas les joueuses en particulier, il va toucher les personnages féminins secondaires –ceux qui ne sont pas incarnés par les joueurs. (...)

Ces manifestations de sexisme dans la narration n’ont pas surpris Côme Martin et Eugénie Bidet, membres du collectif Et pourtant elles jouent, un blog qui publie des témoignages de joueuses racontant le sexisme du jeu de rôle. « Il n’y a pas de raison que le sexisme soit pire ou moindre dans le jeu de rôle que dans le reste de la société. Par contre, il est intéressant de noter que le sexisme y prend certaines formes qui sont propres à cette culture et ce média. (...)

« On envoyait mon personnage montrer ses seins pour obtenir des informations. En fait, j’endossais très vite le rôle d’une prostituée, que je le veuille ou non. » Alors elle a développé des stratégies. « J’ai changé, pour les rendre moins sexualisable. J’ai joué des enfants, ou des femmes très très musclées, car ce n’était pas considéré comme sexy par les autres joueurs. » Toutes ne trouvent pas de solutions. (...)

« Certaines ont même abandonné l’idée de jouer des personnages féminins », à force d’être sexualisées, humiliées, ou de subir des réflexions gênantes. (...)

En plus du sexisme présent dans les scénarios, les joueuses doivent parfois faire face à celui de leurs partenaires de jeu. Une rôliste raconte une de ses pires parties, où elle était la seule femme. « Je n’arrivais pas à en placer une. Chaque fois que j’essayais de participer à une discussion au sein du groupe, j’étais mise à l’écart, chacune de mes idées était rejetée en bloc. Je n’étais qu’une figurante. » De colère, elle a quitté la table. (...)

Pour d’autres, le sexisme passe par une remise en question de leur capacités à jouer. (...)

Depuis une dizaine d’année, le jeu de rôle se féminise. Même si le nombre de rôliste reste difficile à évaluer, on estime qu’un joueur sur cinq est une joueuse. Elles ont pu faire émerger ces problèmes de sexisme, notamment à travers le blog Et pourtant elles jouent, devenu une référence quand on parle du sexisme chez les rôlistes. « Dire qu’il y a des problèmes, ça a certes fâché les virilistes, mais ça a réglé beaucoup de choçses. Les gens savent désormais que ça existe, et ils y font attention », explique Axelle Bouet (...)

« C’est comme dans la société : ça fonctionne par une prise de conscience. »

Coralie David, éditrice de livres de jeu de rôle (...)

Ces dernières années, le jeu de rôle essaye de devenir un milieu plus sain. « C’est une préoccupation dont certains clubs se font écho, ça remonte occasionnellement », explique David Robert. Ça passe en partie par une plus grande représentation des femmes dans les textes. Coralie David a été la première à utiliser le terme « joueuse » comme un mot neutre (incluant le féminin et le masculin) dans sa thèse (...)

Les initiatives se multiplient. La Fédération française de jeu de rôle compte mettre en place, en 2019, une campagne « pour la convivialité et contre les discriminations » explique son président, même si la forme reste encore à définir. Les conventions mettent en place des chartes pour prévenir des agressions ou du harcèlement, et forment les meneurs de jeu à ces problématiques pour qu’ils puissent intervenir plus facilement. (...)

C’est l’avantage de jouer dans des mondes imaginaires. Si on trouve crédible de combattre un dragon à coup d’éclairs magiques, on peut envisager, soyons fous, des sociétés où les femmes seraient complètement les égales des hommes.