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Samsara : un autre documentaire est possible
Article mis en ligne le 1er avril 2013

Le film hors norme « Samsara », muet mais éloquent, explore la Terre façon méditation cinématographique. Dans la lignée de la trilogie Qatsi initiée par Coppola, mais à l’opposé des documentaires à portée éducative et souvent moralisateurs façon « Home ».

(...) En proposant une déferlante d’images somptueuses ou terrifiantes, dépouillées de tout commentaire, la trilogie Qatsi, Baraka ou aujourd’hui Samsara invitent le public à une virée hypnotique, où la Nature et l’Homme coexistent pour le meilleur et pour le pire, où le fond n’est pas l’ennemi de la forme, —du vrai cinéma en somme. (...)

Initié en 1982 par Francis Ford Coppola (producteur), le projet Koyaanisqatsi (déséquilibre en langue hopi, peuple indien d’Amérique du nord) pose les bases d’un nouveau genre de documentaire. Peintures rupestres d’un autre âge, décollage d’une fusée et plans aériens d’un désert, le tout sur une musique planante de Philip Glass, telle est l’ouverture de Koyaanisqatsi.

L’immobilité apparente des paysages offerts aux spectateurs est progressivement remplacé par la nature en mouvement (eau, nuages) puis l’homme apparaît (ou plutôt des machines), pompant les ressources naturelles et les acheminant vers leurs lieux de consommation : les villes. Dès lors, alternant time-lapse et ralenti urbain, l’homme est filmé, en groupe, à la manière dont on suit les déplacements industrieux des insectes ou isolé, seul face à cet hyper-monde déshumanisé.

Ce jeu entre statisme et mouvement, ralenti et accéléré, passé séculaire et post modernisme, gros plans et plans larges irrigue le métrage et oblige le public à se positionner. En l’absence de paroles, les émotions prennent le dessus mais poussent à questionner ce que l’on voit, les enchainements proposés et la pertinence globale du film. Ouvertement inspiré du situationnisme de Guy Debord et de sa cinglante observation de notre société du spectacle, Koyaanisqatsi dénonce les prémisses de notre société ultra-libérale, où tout est marchandise, même l’homme, tiraillé entre son désir de possession et l’asservissement induit par celui-ci. (...)

Du pèlerinage à La Mecque hypnotique aux cyborgs japonais, glaçants de réalisme, de la voûte céleste en time lapse dans un désert au ballet envoûtant des autoroutes de Shanghaï, Samsara illustre le mot beauté comme rarement le cinéma l’a réussi. Retournant à l’essence du cinéma (des images provoquant des émotions fortes), ce documentaire produit un kaléidoscope hallucinant de notre monde moderne. Laissant loin derrière les visites téléguidées des documentaires classiques, il offre au public l’espace nécessaire à une errance libre et salvatrice. (...)

L’existence de ces documentaires hors normes prouve qu’il est possible de penser la complexité du monde au cinéma, sans sous-texte ni moralisation. Universel est le langage cinématographique quand il atteint un tel degré de perfection, tant sur le fond que sur la forme.

le site du film est ici