
Ils sillonnent la France en caravane et huit mois par an. Destination : les centrales nucléaires de tout l’Hexagone. Qui ont besoin d’intervenants en zone à risque, pour la maintenance annuelle. Des journées de 12h, une vie sociale à réinventer à chaque étape. Puis ils repartent. 600 km dans la nuit, vers la centrale suivante. On les appelle les « nomades du nucléaire ». Ce sont eux qui supportent plus de 80% de la dose collective annuelle d’irradiation reçue dans le parc nucléaire français.
Ils sont près de 30 000 en France, des intérimaires qui travaillent pour des entreprises prestataires. Car aujourd’hui, les sous-traitants assurent 80 % des activités de maintenance des centrales, contre 50% au début des années 90. Pendant que les durées d’intervention ont été réduites par deux, pour effectuer toujours les mêmes tâches. Résultat : les nomades passent de plus en plus vite de centrale en centrale.(...)
D’autant plus que, depuis 2005, le personnel vient à manquer. Après plus de vingt ans de traversée du désert, le nucléaire français retrouve des couleurs, mais s’inquiète : les pionniers du nucléaire partent à la retraite et la jeune génération ne souhaite pas prendre la relève. Trop pénible. Alors, les mêmes intérimaires tournent sans relâche et leurs conditions de vie se dégradent au fur et à mesure.(...)
Ces travailleurs, dits » extérieurs « , effectuent l’essentiel des tâches de maintenance des centrales et supportent plus de 80% de la dose collective annuelle d’irradiation reçue dans le parc nucléaire français.
Alors, il sous-déclarent leurs expositions aux radiations : les intérimaires ayant atteint la dose-limite se voient interdits d’entrée en centrale. C’est leur moyen de préserver leur travail. Pas leur santé.(...)
Dans tous les cas, les problèmes de santé les rattrapent vite : troubles du sommeil, anxiété, leucémies, cancers, et tentatives de suicide. Depuis 1995, les syndicats sont en alerte. Cette année-là, cinq suicides de travailleurs extérieurs ont été enregistrés à la centrale de Chinon. Depuis, les tentatives se sont succédées. Autre signe : en 2003, la mutuelle de la centrale de Paluel (Seine-Maritime) remarque que 80% des feuilles d’assurance-maladie traitées prescrivent des calmants. (...)