
Le président de la République a soulevé une montagne, elle retombe sur lui. En lançant l’offensive contre les Roms, le gouvernement français croyait régler à son avantage électoral un problème de simple police de frontières et de réglementation municipale. Enorme erreur. La question des Roms n’est pas de sécurité policière ou sociale, mais d’abord de sécurité mentale. Elle n’est pas franco-française, mais européenne. Elle n’est pas d’aujourd’hui, mais de toujours.
...Tant qu’on ne reconnaît pas aux nomades le droit de vivre en mouvement, tant qu’on ne leur offre pas la possibilité de se déplacer dans des conditions
décentes, on entretient des hantises racistes et xénophobes. Une décence minima implique qu’on établisse, comme la loi française le prescrit (sans être
appliquée) des aires d’hébergement et d’accueil propres à remplacer les campements de fortune et les bidonvilles ignominieux qui font la honte de
l’Europe....
...Inutile de reproduire à l’échelle de l’Union européenne la politique de fixation forcée des peuples vagabonds. C’était l’obsession de Nicolae Ceausescu
et de ses collègues totalitaires....
...Reste à nos nations prospères à opérer une révolution intellectuelle en reconnaissant la légitimité d’un nomadisme multiséculaire et transeuropéen. A charge de lui assurer des conditions de survie civilisées qui éviteraient une totale marginalisation. Le droit à l’errance est imprescriptible en bonne démocratie...
...Les libertés européennes ne se limitent pas aux libertés des hommes d’affaires, des puissants et des intellectuels. La libre circulation des biens et des idées est acquise, reste à assurer la liberté des plus humbles d’entre nous, celle des roulottes passe-frontières, celle des voyageurs sans attaches qui fascinaient tant musiciens et poètes du temps jadis. Tant que le Rom demeure persona non grata au banquet des pays nantis, l’émancipation de l’individu européen reste boiteuse et fragile....