
C’est un référendum crucial pour Matteo Renzi, le président du conseil italien, qui se déroulera dimanche 4 décembre. Les citoyens sont appelés à se prononcer sur une réforme constitutionnelle. Le gouvernement met en avant une réduction des frais de fonctionnement des institutions, en particulier le Sénat. Les opposants pointent les pouvoirs renforcés de l’État central au détriment des régions, et craignent une dérive autoritaire. Des centaines de comités de citoyens se mobilisent, souhaitant distinguer leurs arguments de ceux de la droite, elle-aussi opposée à la réforme. Le référendum ouvrira-t-il la voie à un futur changement de majorité ?
C’est la plus vaste modification de la Constitution jamais engagée qui est soumise aux Italiens ce dimanche 4 décembre. Un tiers de la Constitution actuelle, 47 des 139 articles, serait modifié. La question posée met notamment en avant la réduction du nombre de parlementaires et la réduction des coûts de fonctionnement [1]. Federico, jeune avocat installé en France, résume ce qu’il en retient avant de voter : « La question posée au référendum met en avant la réduction des coûts alors que les enjeux sont bien plus complexes. »
La réforme prévoit effectivement bien plus qu’une réduction des coûts de fonctionnement des institutions et certains craignent une dérive autoritaire si elle était approuvée. Guiseppe, retraité sicilien et ancien carabiniere (gendarme italien, ndlr), perçoit beaucoup de désillusion parmi les siens : « Ici, la confusion est grande. Nous, citoyens, sommes un peu désorientés car les politiciens qui ont approuvé la loi pendant les discussions parlementaires appellent aujourd’hui à voter non. » Le texte a déjà été approuvé par le parlement mais le vote du peuple est nécessaire pour son adoption définitive.
Renforcer l’État central au détriment des Régions (...)
La droite appelle ainsi à voter contre la réforme, d’autant plus motivée qu’en cas de défaite, Matteo Renzi évoque sa possible démission.
Or, un éventuel départ du président du conseil pourrait favoriser la prise de pouvoir d’une droite dure. Durant la compagne, Silvio Berlusconi (Forza Italia) a ainsi fait son grand retour médiatique. De même que la Ligue du Nord (extrême-droite), et le Mouvement 5 étoiles (M5S), son parti dénonce une manœuvre politicienne du président du conseil : « Renzi travaille pour lui-même », a estimé Silvio Berlusconi, laissant penser que « le centre-droit est uni dans la bataille pour le non » [4].
L’intérêt des marchés
En dehors du champ politique, le quotidien Il Corriere della Sera dénombre 704 « comités citoyens pour le non ». Parmi eux, les « écologistes pour le non » – environ 150 comités – revendiquent « un élargissement de la base démocratique », et le maintien du pouvoir décisionnel aux institutions locales. Parmi les signataires de leur manifeste, on trouve les No TAV mobilisés contre la construction de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, ainsi que de nombreux comités régionaux à visée environnementale et citoyenne.
D’autres opposants voient planer l’ombre de la finance et des industriels derrière cette volonté de centraliser le pouvoir et de « rationaliser » les procédures législatives. (...)
Renzi, bilan du « démolisseur »
Le référendum se polarise également sur une autre question : pour ou contre Renzi ? L’actuel président du Conseil a été nommé en 2014 après la chute du gouvernement d’Enrico Letta, issu de son propre parti. Il a ensuite su convaincre les Italiens : en 2014, son parti social-démocrate obtient 40% des suffrages aux élections européennes tandis qu’une grande partie de l’Europe plébiscite des partis nationalistes. Aujourd’hui, la majorité des Italiens le considère toujours comme le meilleur leader politique. (...)
Plus progressiste sur le plan sociétal, Renzi a aussi « démoli » l’Italie conservatrice, du moins l’un de ses tabous. Il réalise « un petit miracle » en autorisant l’union civile pour les couples homosexuels. Par ailleurs, il n’hésite pas à accuser ouvertement l’Europe quant à la crise migratoire dont l’Italie paie de plein fouet les conséquences dramatiques. « Nous subissons l’incapacité de l’Europe à être solidaire », déclare-t-il face caméra, menaçant de ne pas contribuer au budget européen si l’Europe ne prend pas ses responsabilités. « Nous devons régler la question, car l’Italie ne réussira pas à passer une autre année comme celle-ci. »
E dopo ?
Et après ? En cas de victoire du « oui », le référendum s’assimilerait à un vote de confiance des citoyens en faveur du gouvernement. Il serait aussi un message gouvernemental destiné à « rassurer » l’Europe, alors que l’Italie est présentée comme étant au bord de la faillite. « Si nous gagnons le référendum, nous serons le gouvernement le plus stable de l’UE (une référence aux échéances électorales en France et en Allemagne, Ndlr) et nous pourrons distribuer les cartes en Europe », assurait Renzi au quotidien La Stampa.
Si le non l’emporte, il est possible qu’un gouvernement composé de technocrates refasse son apparition (...)