
(...) La photo est impressionnante. On y voit des milliers de personnes occupant toute la largeur d’une rue dont les immeubles ont été détruits par les bombardements du régime.

Le fait est que cette photo est plus complexe qu’on ne le montre et est en fait un double symbole. Cette photo pointe du doigt l’horreur des crimes commis par le régime d’Assad, mais pas seulement.
Le camp de Yarmouk n’est pas un camp de réfugiés comme les centaines de camps de réfugiés qui sont apparus tout au long des frontières syriennes (Liban, Turquie, Jordanie) depuis trois ans. Le camp de Yarmouk est le nom d’une autre réalité que je souhaiterais souligner. Et cela non pas pour détourner l’attention des crimes et de la responsabilité du régime syrien, mais parce qu’il me semble important de comprendre la situation syrienne dans toute sa complexité.
Mais aussi, parce que le fait que la réalité derrière cette photo soit souvent oubliée (volontairement ou non) est un des symptômes de la couverture du conflit syrien, notamment, par la presse occidentale. (...)
Le camp de Yarmouk a été fondé en 1957. C’est un camp de réfugiés, certes, mais les réfugiés qui résident dans ce camp ne le sont pas devenus au cours des trois dernières années marquées par le massacre systématique de la population syrienne par le régime d’Assad.
A Yarmouk, réfugiés de parents à enfants
Non, ces réfugiés héritent du « titre et statut » de réfugié de parents à enfants depuis trois générations, bientôt quatre…
Ces réfugiés sont les enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants des Palestiniens qui ont fui une autre guerre, une autre violence. Ce sont ceux qui ont fui leur pays en 1948 lors de la fondation de l’Etat d’Israël.
Cette photo est donc non seulement le symbole de la crise syrienne, mais c’est aussi celui d’une autre réalité, d’une autre guerre et d’une autre crise humanitaire, celle des réfugiés palestiniens au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde.
Vu sous cet angle, il n’est malheureusement pas surprenant que personne ne mentionne de quoi Yarmouk est le nom ! (...)
Beaucoup de réfugiés palestiniens (réfugiés de génération en génération depuis 1948) n’ont pas quitté Yarmouk car ils ne voulaient pas devenir réfugiés pour une seconde fois, ils ne voulaient pas une fois de plus se retrouver avec la clé d’une maison dans laquelle ils ne pourraient plus retourner.
Ils ne voulaient pas répéter les erreurs qu’ils ont commises en 1948. Ils ne voulaient pas abandonner leurs maisons, leurs biens, leur histoire. Ces réfugiés palestiniens ne pouvaient pas partir et tout perdre à nouveau.
Et partir, pour aller où ?
Au Liban, où ils ne sont même pas des citoyens de seconde classe et où les réfugiés palestiniens ne peuvent d’ailleurs plus entrer depuis maintenant un an et demi ?
En Jordanie ? Mais leur situation serait-elle bien meilleure qu’au Liban ? Quel métier pourraient-ils y exercer ?
Et devraient-ils retourner, à nouveau, dans un camp de réfugiés, identique à celui dans lequel ils sont arrivés en 1948, tout recommencer à zéro, une soixantaine d’années plus tard ?
Les mêmes droits que les Syriens
En effet, contrairement à leur situation dans les autres pays arabes, en Syrie, les réfugiés palestiniens avaient les mêmes droits que les Syriens, à l’exception importante des droits politiques – ils n’avaient ni droit de vote ni passeport.
Cependant, ils pouvaient exercer n’importe quel métier, ils n’étaient pas obligés de vivre dans des camps vétustes et ils avaient accès à l’éducation primaire, secondaire et universitaire.
En outre, le camp de Yarmouk a été construit comme une banlieue de Damas et il n’a de camp plus que le nom : des immeubles ont rapidement remplacé les tentes et le camp était ouvert sur la ville et abritait aussi, bien que peu nombreux, des non-Palestiniens.
(...)