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Rester sous les 1,5 °C : voici comment nos vies pourraient changer
Article mis en ligne le 18 février 2019

Les scientifiques du climat ont appelé à prendre les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5 °C avant 2030. Les auteurs de cette tribune expliquent quels changements profonds de nos manières de faire cela implique.

Côté logement, rénover en haute performance environnementale 1 million de logements par an, limiter les constructions neuves à de l’habitat collectif avec une surface par habitant de 30 m², restreindre la température moyenne des logements non rénovés à 17 °C participeraient à réduire de 38 millions de tonnes équivalent CO2 nos émissions de gaz à effet de serre annuelles en 2030.

Sur le plan des transports, pour réduire de 132 à 31 millions de tonnes équivalent CO2 nos émissions, il faut en particulier stopper les lignes aériennes internes disposant d’une alternative par la route ou le fer en moins de 4 h, interdire les poids lourds en zone urbaine, limiter à 110 km/heure la vitesse sur autoroute.

Une soixantaine de mesures qui nous confrontent directement à nos modes de vie (...)

Nos modes de consommation seront également visés : il s’agit de diviser par un peu plus de trois notre consommation de viande, d’interdire à la vente les téléviseurs de plus de 40 pouces, de diviser par trois le flux vidéo consommé par personne, de limiter à 1 kg de vêtements neufs mis sur le marché par personne et par an… au total, une soixantaine de mesures qui nous confrontent directement à nos modes de vie, à ce qui semble acquis pour toujours, mais que le réchauffement climatique questionne.

L’exercice n’est pas évident. La contrainte de temps liée à l’objectif — réduire de 63 % en douze ans les émissions de gaz à effet de serre — est très resserrée. Elle empêche de pouvoir viser sereinement un renouvellement par la technique ou toute mesure de long terme, comme l’action sur la démographie. Elle demande des mesures « radicales », dont beaucoup peuvent paraître restreindre des libertés, comme l’interdiction des vols long-courriers non justifiés ou le rationnement de certains produits de consommation tels que le café. Mais elles ne le sont que si notre conception de la liberté est de consommer toujours plus, que si nous restons contraints par nos raisonnements du passé. (...)

Prenons l’exemple de la limitation à 1 kg de vêtements neufs mis sur le marché par personne et par an. Est-ce réellement une contrainte ? Cela nous oblige simplement à repenser l’usage que nous faisons des vêtements, à les rendre plus durables, les échanger, continuer de développer le marché de seconde main… Nous consommons aujourd’hui en moyenne près de 20 kg de vêtements neufs par an et par personne en France, ce qui a un coût social et environnemental énorme. Où est la liberté pour les ouvriers du textile qui travaillent dans des conditions peu enviables ? Où est la liberté pour les habitants de territoires pollués par cette industrie ?

La liberté de quelques-uns justifie-t-elle la privation de liberté de tant d’autres ?

Chaque dixième de degré compte, chaque tonne de CO2 émise compte
Mais, à un niveau plus collectif et global, c’est l’inaction actuelle et le dérèglement climatique en cours qui seront liberticides. Des rationnements alimentaires à la suite de pertes de rendement agricole, la prolifération de maladies, la contrainte de déplacements imposés par des conditions météorologiques invivables, l’obligation de rester confiné dans une salle climatisée en cas de forte chaleur, la perte de son habitat et de tout ce qu’on possède à la suite de phénomènes météorologiques extrêmes, vont priver des millions de personnes de leurs droits fondamentaux.

Notre étude n’est pas une utopie ni un programme politique. Ce n’est qu’un constat (...)

La véritable utopie c’est de croire que nous pouvons continuer sur notre trajectoire sans remettre en question nos modes de vies, sans s’interroger sur nos véritables besoins, nos véritables libertés.

L’aspect apparemment inapplicable de ce paquet de mesures compris dans notre étude ne peut pas être un prétexte à l’inaction, mais doit inviter à réfléchir à la manière de lever ces contraintes. Il peut sembler difficile de croire à un changement aussi drastique, tant les limites économiques, techniques ou culturelles de nos sociétés sont fortes et nous empêcheront de limiter le réchauffement à 1,5 °C voire 2 °C.

Pourtant, chaque dixième de degré compte, chaque tonne de CO2 émise compte. Nous faisons donc face à un double défi : éviter l’ingérable, en mettant en œuvre immédiatement toute action permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et gérer l’inévitable, en pensant dès aujourd’hui l’adaptation massive de nos sociétés à l’absorption des chocs provoqués par les changements climatiques. Quoi qu’il en soit, les petits pas ne suffiront pas, il nous faut chausser les bottes de sept lieues.

Emparez-vous de ce document à l’échelle de vos territoires, de vos entreprises ou de vos cercles personnels afin que de véritables actions à la hauteur des enjeux soient mises en œuvre, partout, quitte à bousculer les habitudes sociales, culturelles ou économiques qui caractérisent notre quotidien.