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Réputée ringarde il n’y a pas si longtemps, la laïcité devient un objet « fashion » convoité par les politiques
Intervention de Catherine Kintzler au banquet républicain de l’UFAL 21 à Thorey-sur-Ouche, le 24 septembre 2011
Article mis en ligne le 25 novembre 2011
dernière modification le 21 novembre 2011

et je voudrais m’interroger sur une récupération qui a fait un peu de bruit ces derniers temps : par quel processus la laïcité est-elle tombée dans l’escarcelle du Front national ?

Le président de la République et son gouvernement ont certes bien travaillé à ce transfert en faisant un grand écart (du discours de Latran aux déclarations de Claude Guéant) où chaque pied repose hors-sujet. Mais la voie a été ouverte de longue date par bien des « forces de gauche » traditionnelles principalement durant les années 1980-90 (notamment partis de gauche et Ligue de l’enseignement) dans un grand désordre1.

Deux dérives symétriques et complices, auxquelles bien des « forces laïques » se sont livrées, ont en effet préparé depuis une trentaine d’années l’essentiel ce transfert politique.

 La première dérive : je l’appellerai la laïcité adjectivée (plurielle, ouverte, positive, raisonnable, raisonnée, etc.). Elle consiste à vouloir étendre au domaine de l’autorité publique – où s’applique rigoureusement le principe de neutralité – le régime de la société civile où doit régner le libre affichage des opinions dans le respect du droit commun. Autrement dit, cette dérive récuse le caractère neutre et minimaliste de la puissance publique républicaine, faisant de l’opinion religieuse une norme sans bornes, autorisant les propos religieux au sein de l’Etat lui-même et aboutissant à légitimer la communautarisation du corps politique.

 La seconde dérive, une forme d’extrémisme laïque, consiste symétriquement et inversement à vouloir durcir l’espace civil en exigeant qu’il se soumette à l’abstention qui devrait régner dans le seul domaine de l’autorité publique. Elle s’est signalée récemment dans le cadre d’une réaction à la première dérive, et la déplorable affaire dite du gîte d’Epinal en 2007 lui a donné son moment critique. On a vu alors se former des groupes favorables à l’effacement dans l’espace civil de tout signe religieux, et qui ont diffusé récemment des thèmes non pas antireligieux généralement (comme cela serait cohérent avec leur principe) mais plus particulièrement anti-musulmans.
Le pouvoir de nuisance de cette seconde dérive n’est pas négligeable. Après avoir réalisé sa jonction avec l’extrême-droite à la faveur de l’opération « saucisson-pinard », elle a fait un groupie de plus en la personne de Claude Guéant, qui a déclaré récemment vouloir astreindre les usagers des services publics à l’abstention de tout affichage religieux. Pourquoi ne pas réclamer à ce compte qu’on fasse taire les cloches, qu’on rase les calvaires et qu’on débaptise les communes portant le nom d’un saint ?

Ces deux courants se sont relayés et ont offert la laïcité à Mme Le Pen : l’un en désertant totalement le terrain du combat laïque pendant de longues décennies, l’autre en l’investissant avec des propositions durcies et réactives, les deux en épousant le fonds de commerce des politiques d’extrême-droite, à savoir la constitution fantasmatique de « communautés » (en l’occurrence « les musulmans ») que les premiers révèrent en criant à la « stigmatisation » et que les seconds détestent.

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