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Le Monde
« Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du monde ! » : Discrète mais tenace, la mobilisation des coquelicots s’enracine partout en France
Article mis en ligne le 22 février 2019
dernière modification le 19 février 2019

Plus discrète que les marches pour le climat, moins visible que les Gilets Jaunes, la mobilisation dite « des Coquelicots » lancée par Fabrice Nicolino le 12 septembre dernier prend pourtant bien racine en France. Bilan cinq mois après le lancement.

Historiquement, le coquelicot est aux pays du Commonwealth ce que le Bleuet de France est à l’Hexagone : un symbole de la mémoire et de la solidarité envers les anciens combattants. Les grands tapis colorés formés dans les champs par cette herbacée annuelle n’étaient pas sans rappeler le bain de sang des guerres de tranchées de la première guerre mondiale… Aussi est-ce un autre combat auquel le pavot-coq est associé aujourd’hui : la lutte contre l’usage des pesticides qui défigurent la nature et menacent notre santé. Car, il faut le savoir, la présence de cette fleur est souvent signe de bonne santé des sols et d’absence de pesticides (depuis quelques années elle aurait développé une résistance à certains herbicides) – raison pour laquelle elle est devenue un symbole fort dans l’agriculture bio. Et un symbole renforcé avec l’appel « Nous Voulons des Coquelicots » qui entend récolter pas moins de cinq millions de signatures d’ici fin 2020.

« On a pensé cet appel non comme une simple pétition mais comme un appel à l’action. (...)

 : en octobre, trois semaines après l’appel, 570 collectifs ont répondu présents partout en France. En décembre, 830 ! Le 4 janvier, 670 rassemblements et début février, 780. « C’est dire que la mobilisation prend racine, malgré la pluie et le froid, avec une dynamique très forte en milieu rural, dans de petites communes » relèvent encore les organisateurs, conscients de questionner la coexistence heureuse d’un modèle agricole et ses habitants, dans des territoires qui en souffrent beaucoup. (...)

A Besançon, Emmanuelle est touchée de la même manière par la sincérité, le bon sens et la simplicité radicale de l’appel. «  Je n’y connaissais pas grand chose aux pesticides et je me suis informée à partir de là. Je n’avais jamais entendu parler de Fabrice Nicolino et ses mots m’ont touchée en plein coeur : pour mettre fin au système productiviste qui détruit la planète et nous empoisonne, il nous faut agir tous ensemble – et tous c’est tout le monde, pas seulement les militants aguerris ou les politiques, tout simplement » confie-t-elle, comme elle a aussi pu le faire dans la vidéo de France 3 Bourgogne avant le rassemblement de janvier (...)

Et Fabrice Nicolino, dans tout ça ? Est-il surpris de l’écho donné à sa démarche, lui qui a survécu à deux attentats (dont celui de Charlie Hebdo) et se bat depuis belle lurette à coup d’enquêtes rigoureuses pour faire surgir la vérité ? « J’avais le sentiment qu’il fallait faire quelque chose, pour des raisons d’urgence que je connais par coeur. C’était maintenant ou jamais », confie-t-il en partageant sa surprise : « je suis estomaqué par les réactions et par ces centaines de rassemblements, par l’évêque de Troyes Marc Stenger, par le maire de Nogent sur Marne a signé tout de suite, par des petites communes qui se mobilisent fort ».

Pour lui, l’appel fonctionne car il sort des discours politiques et s’appuie sur le besoin de préserver la beauté du monde. « Les pesticides sont le maillon faible de la chaîne industrielle agricole, nous ne sommes pas contre l’agriculture mais contre l’agrochimie, nous soutenons les paysans et voulons remettre en cause une pratique qui profite à une infime minorité de gens. C’est un appel lancé par des humains à d’autres humains, on veut initier un grand mouvement en faveur de la vie » résume-t-il pour nourrir l’ambition dans le long terme. « On se retrouve 25 fois au total (il reste donc encore 20 rassemblements, NDRL) et on vise aussi 5 millions de soutiens, le chemin est donc long et ambitieux, mais on ne manque pas d’idées », précise celui qui veut fleurir toute la France. La communauté ainsi construite va aussi être sollicitée pour réaliser un état des lieux des pesticides dans le pays. « Ce mouvement participe d’une dynamique qui refonde la politique et le lien social de manière plus fructueuse et authentique. On ne se lamente pas, on fait, on ne renverse pas la table, on est dans le concret, on relie et on rassemble des gens divers » relève Fabrice Nicolino, en estimant à titre personnel que la politique classique est un champs de ruine… « Nous sommes modestement mais sérieusement en train de cueillir l’énergie politique disponible au plus près de là où elle est produite, dans les liens locaux, les relations de proximité. On ne peut plus reculer, il faut agir maintenant » (...)