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Libération
Réfugiés : Macron ouvre une porte aux idées nauséabondes qu’il prétend combattre
Par Damien Carême , maire de Grande-Synthe et candidat EE-LV à l’élection européenne
Article mis en ligne le 2 mai 2019

De quelle Europe le président Macron veut-il se faire le « rempart » quand, diplomate d’une main, il attise de l’autre l’embrasement xénophobe dans les péninsules européennes ?

Tribune. Emmanuel Macron et le président italien, Sergio Mattarella, se retrouvent ce jeudi au Clos Lucé d’Amboise pour célébrer les 500 ans de la mort de Léonard de Vinci. Loin de remettre en question l’à-propos d’un hommage à l’inventeur, figure européenne par excellence, on peut questionner l’étrange diplomatie qui anime le président français, et l’idée d’Europe qu’elle convoie.

Dans sa lettre du 4 mars adressée aux 28 pays de l’UE, Macron se pose en véritable « rempart » pour l’Europe. Le danger, affirme-t-il, dans un remake de l’élection qui l’a porté au pouvoir, c’est l’extrême droite et le populisme nationaliste, la peste brune qui partout porte en germe l’euroscepticisme, la xénophobie et le mépris des droits et libertés fondamentales.

Si l’on ne peut pas nier la progression des mouvements d’extrême droite en Europe, il faut bien avouer que l’on ne perçoit pas plus de rempart macroniste. A peine une porte, peut-être, et qui, en contexte électoral, s’ouvre très largement aux idées nauséabondes contre lesquelles elle prétend nous défendre.

Quand Matteo Salvini se fait le ventriloque de Christophe Castaner qui criminalise les ONG en Méditerranée en les assimilant à des passeurs ? De quelle Europe veut-il se faire le rempart quand il n’offre aux naufragés que la formidable absence des navires de Sophia, l’opération de sauvetage européenne ?

Emmanuel Macron n’est pas un rempart face au Rassemblement national et ses amis européens, Salvini en première ligne. Ou alors un rempart qui s’effrite, un muret qui se dissout au contact de ce qu’il prétend contenir, ou s’y presse tant qu’il devient incapable de s’en différencier. Un mur de sable, aussi fragile que perméable, d’où percolent la bête immonde et ses idées morbides.

Emmanuel Macron n’a toujours pas compris que l’on ne pouvait pas chasser impunément sur les terres électorales du nationalisme. En criminalisant le sauvetage en mer des migrants, en refusant de les accueillir dignement, en évacuant les camps de tentes précaires et en condamnant la solidarité comme si elle constituait un délit, il dérobe la France à sa tradition d’accueil, à cette solidarité historique chevillée au corps de ses habitants. Lorsqu’il sacrifie sans sourciller la vie de milliers d’innocents à ses jeux politiques, Emmanuel Macron incarne une Europe repliée sur elle-même, préparée à mener une guerre, n’importe laquelle, bien plus qu’à faire la paix.
Particularismes nationaux

Petit à petit, ce lent travail d’indifférence nous érode et morcelle un peu plus notre humanité. Il prépare le terrain, dédiabolise les extrêmes et rend commode l’inacceptable. (...)

Notre Méditerranée n’est pas cette large douve derrière laquelle ils se retranchent. Ce cimetière honteux et dont il faut avoir honte. C’est la Mare Nostrum, l’Europe continent gonflée d’un lac. Tous les peuples qui s’y accolent se sont nourris aux mêmes poissons, ont fait pousser leurs tomates aux rayons d’un même soleil, ont vu frémir les mêmes voiles entre leurs terres, gorgées du commerce de l’autre, des musiques et des langues.

Considérer que l’Europe n’est qu’une terre rabougrie, c’est mépriser son histoire et sa réalité. Elle n’a pas tant besoin d’être réinventée, en allant chercher les conseils d’un De Vinci, que de revenir à son projet originel. Le règlement de Dublin, qui enchaîne ces femmes et ces hommes en exil aux premières préfectures qu’ils rencontrent, doit être réformé. Il en va de nos valeurs fondatrices, comme de notre éthique personnelle, de notre histoire commune, comme de nos convictions.

Le « rempart » à l’extrême droite, qu’Emmanuel Macron se targue d’incarner, n’a aucune consistance. Il bafoue l’égalité entre les humains, leur droit à pouvoir circuler librement, et la paix d’une Europe fraternelle, antidote à la guerre.