
Six mois après l’engagement des donateurs internationaux qui avaient promis des
milliards pour permettre à Gaza de renaitre des tourments de la guerre de l’été dernier,
l’argent n’a toujours pas été déboursé, ce qui n’arrange en rien le bouleversement des
vies et la poursuite désespérée des souffrances.
(...) Pour Jibril, la mort de ses petits-enfants incombe principalement aux donateurs qui n’ont pas
su respecter leur engagement. « Les donateurs internationaux sont à blâmer, ils ont tué ces
bébés, » m’a-t-il dit. « Ils ont promis de débloquer des milliards pour Gaza. Où est cet
argent ? Nous avons besoin de maisons, et non pas de promesses. L’UNRWA est à court
d’argent et ne peut rien réaliser sans aide financière. »
L’analyse de Jibril est sensée. L’UNRWA, c’est-à-dire l’agence pour laquelle je travaille, a
été contrainte de suspendre ce qui aurait pu être un programme de secours et qui aurait pu
sauver des vies dans cette famille juste trois semaine plus tôt. Au lendemain de la conférence
du Caire du mois d’octobre 2014 et qui s’est soldée par l’engagement de la communauté
internationale à consacrer $5.4 milliards pour reconstruire Gaza, nous avons créé un projet de
$720 millions. Nous étions convaincus que les engagements généreux allaient nous procurer
les fonds, ou du moins c’est ce que nous croyions. Avec cet argent, nous ambitionnions
d’accorder des subventions locatives aux personnes dont les maisons sont inhabitables. Nous
espérions donner de l’argent aux gens afin qu’ils puissent retaper et reconstruire leurs
maisons. Mais les milliards promis n’étaient que des paroles vaines et le programme s’est
retrouvé avec un déficit de près de $600 millions Aussitôt la suspension de l’aide financière annoncée, la colère des citoyens a éclaté. Le
bureau de Gaza du coordonnateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au MoyenOrient a été attaqué. La menace de violence persiste et ça se sent dans l’air, tout comme ce qui
s’est passé l’été dernier.
Il ne fait aucun doute que le besoin est énorme et le sentiment de désespoir est palpable et
profond. Nous avons fait une estimation des maisons endommagées ou totalement détruites et
nous avons recensé environ 10.000 unités d’habitation, et par voie de conséquence, des
centaines de milliers de personnes affectées. La plupart de ceux dont les maisons sont encore
habitables se sont retrouvés sur des réseaux d’eau et d’électricité qui ne fonctionnent pas.
L’histoire de Gaza est un puzzle et sa reconstruction physique et matérielle n’en constitue
qu’une pièce. (...)
La
prochaine génération Gazaouie est traumatisée, choquée, brutalisée et maltraitée. Les espaces
récréatifs où ils peuvent jouer sont jonchés de quelques 8000 pièces de restes explosifs de la
dernière guerre.
L’ONU estime qu’environ 540 enfants ont été tués dans le conflit, la majorité se trouvait chez
elle. L’UNRWA n’a pas été en mesure de fournir un refuge sécurisé. Nos écoles ont été la
cible directe à sept reprises. Les enfants sont morts à l’intérieur et à l’extérieur des classes et
sur des terrains de jeu sous la bannière bleue des Nations Unies.
Chaque enfant Gazaoui, ou presque, a le plus souvent assisté à ce qu’un membre de la famille
ou un ami soit tué, blessé ou handicapé pour toujours. Mille des trois mille enfants blessés
durant le conflit sont susceptibles de souffrir de déficiences physiques pour le restant de leurs
vies. (...)
Une autre crise majeure peut être évitée. Si nous mobilisons les ressources politiques,
financières et morales pour sortir de l’impasse, nous pourrons rendre à Gaza son avenir. (...)