
Les conclusions du rapport Meadows sont sans équivoque et confirmées par la réalité d’aujourd’hui : le modèle capitaliste de croissance continue n’est pas viable dans un monde aux ressources finies. Après un premier entretien avec Denis Meadows, Audrey Boehly poursuit son tour d’horizon par un entretien avec l’économiste Gaël Giraud.
(...) C’est pour appréhender la réalité de ces impacts qu’est construit le rapport Meadows, avec une approche - originale à l’époque, mais qui s’est aujourd’hui généralisée - qui consistait à créer des modélisations mathématiques tenant compte de cinq paramètres (population mondiale, production agricole, production industrielle, services rendus à la population, pollution) dont les hypothèses de variation étaient intégrées dans le modèle. La combinaison de ces hypothèses amène à une dizaine de scénarios prospectifs. le numéro 1 et le numéro 2 de ces scénarios, qui postulent la poursuite du modèle économique actuel, confirment le spectre de la famine évoquée par René Dumont, en prédisant un effondrement des productions industrielle et agricole, puis de la population, dans les années 2020 et 2050 respectivement. Le phénomène, dit l’économiste, devient irréversible du fait de la mise en place de nombreuses boucles de rétroaction positive qui accélèrent l’effondrement. A la question sur la finalité et le contenu des huit autres scénarios, l’économiste répond brièvement qu’ils sont conçus pour explorer les solutions possibles.
L’échange porte ensuite sur les raisons pour lesquelles le rapport Meadows a été "effacé" pendant 50 ans, au point que le professeur en économie mentionne que la plupart de ses étudiants n’en ont jamais entendu parler. Comme l’avait déjà mentionné Dennis Meadows lors de son interview, cette forme de censure vient du fait que le rapport perturbe beaucoup les modes de raisonnement des économistes dits "néoclassiques". (...)
"des explications d’économistes qui sont complètement hors-sol".
Dans les faits, la trajectoire sur les 50 ans qui viennent de s’écouler confirme une évolution proche des deux scénarios les plus alarmistes. Mais le modèle original laisse de côté des variables qui étaient mal connues à l’époque : Il n’y a pas, selon l’économiste "une ligne d’économie" dans le rapport. L’équipe de Gaël Giraud travaille donc à compléter le modèle en y intégrant des données économiques et sociales (chômage, inflation, dette, inégalités, etc.), ainsi que des variables liées au réchauffement climatique, mal connues dans la décennie 70. Et, à la question posée par la journaliste qui demande si l’intégration de ces données confirment la conformité des trajectoires observées avec les scénarios de l’effondrement, l’économiste répond que la prise en compte de ces nouveaux paramètres engendre de nouvelles boucles de rétroaction positive et aboutit aux même résultats.
Pour éviter l’effondrement, il faudrait revoir complètement notre modèle économique et anticiper davantage. Nous sommes comme assis dans une voiture qui va dans le mur à grande vitesse. (...)
Les signes avant-coureurs d’une catastrophe imminente (sécheresses, inondations, incendies de forêts, canicules) sont déjà là et l’économiste dit constater que nous ne traitons pas ces questions avec le sérieux qu’elles méritent.
En écoutant Gaël Giraud parler des contradicteurs du rapport Meadows, c’est une phrase de Sitting Bull qui vient à l’esprit : « Lorsque la dernière goutte d’eau sera polluée, le dernier animal chassé, et le dernier arbre coupé, l’homme blanc comprendra que l’argent ne se mange pas ». (...)