
race – une notion récurrente, de plus en plus, dans le débat public, tout en éveillant des inquiétudes en grande partie légitimes : la notion charrie des connotations biologisantes ou culturalistes qui sont au fondement de l’oppression raciste. Mais ce que ne comprennent pas – ou feignent de ne pas comprendre – les adversaires les plus zélés de « la sociologie de la race », c’est que ladite race, lorsqu’elle devient un objet d’étude sociologique, cesse d’être une essence naturelle et immuable, pour apparaître comme une production sociale, historiquement située, mouvante, qui perd en conséquence son caractère d’évidence incontestable et invincible. C’est cela que vient rappeler brillamment le livre de Solène Brun et Claire Cosquer, Sociologie de la race, qui vient de paraître aux Éditions Armand Colin.
À la suite de l’imparable « petit livre noir » de Sarah Mazouz, dont il constitue un indispensable complément, ce livre fait plus et mieux que « défendre » un pan de la recherches en sciences sociales qu’il est aujourd’hui de bon ton de placer sur la sellette : telles Diogène démontrant la possibilité du mouvement en marchant, les autrices démontrent la pertinence et la fécondité des « études de race » en nous les présentant, tout simplement – en 128 pages aussi concises que précises, aussi denses qu’intelligibles et agréables à lire. Solène Brun et Claire Cosquer reviennent notamment sur l’histoire du concept de race, ses premiers usages critiques chez des auteur·ice·s comme DuBois ou Fanon, et leur ancrage dans des mouvements sociaux comme le mouvement des Droits civiques ou le Black Feminism.
Elles cartographient également avec précision les principales difficultés, contradictions et controverses qui se sont développées autour de l’objet « race » dans le champ des sciences sociales : la question par exemple de la genèse du concept de race, du rôle de la colonisation dans cette genèse, et de la place de la religion ; celle de la terminologie (faut-il dire « race » ou « ethnie », faut-il dire « racisation » ou « racialisation », ou les deux ?) ; la question enfin, particulièrement sensible en France, des « statistiques ethniques » et de leur légitimité. Bien d’autres objets, outils méthodologiques et champs d’études en lien avec « la race » sont présentés avec une grande clarté (...)