
C’est une « Europe de l’optimisation fiscale » que nous décrit Éric Walravens, auteur d’une enquête sur un chantage qui ruine nos États. Du « double Irish » au « sandwich hollandais » en passant par les « intérêts notionnels » belges, le « Crédit impôt recherche » français ou les « rulings » fiscaux, ces accords secrets entre le fisc d’un État et une multinationale, Éric Walravens propose un tour d’horizon des dispositifs « attractifs » offerts par les pays européens aux grandes firmes :
une véritable jungle de dérogations et de régimes d’exception, où le droit commun fiscal ne semble plus valoir que pour les « petits ». Un dumping fiscal qui mine l’Europe alors qu’une harmonisation se fait attendre depuis 30 ans. (...)
" Il existe toute une chaîne de responsabilité, qui va des paradis fiscaux les plus agressifs comme Jersey ou les îles Vierges britanniques, en passant par un ensemble de paradis fiscaux que l’on pourrait qualifier d’« intermédiaires » – Belgique ou Luxembourg – jusqu’aux grands pays. Ces derniers sont parfois tentés de répondre à la concurrence fiscale des premiers en adoptant leurs propres mesures de défiscalisation.(...)
Chaque pays développe ses propres niches fiscales à l’appui d’une stratégie économique. Cela peut être une stratégie de pur soutien au secteur financier, comme au Luxembourg. Cela peut être une stratégie de soutien à la recherche, comme en France. Le Crédit impôt recherche (CIR) est une énorme niche fiscale – le plus important dispositif de soutien à la recherche-développement en Europe. Tout n’y est pas à rejeter. Mais certains aspects du CIR, comme les réductions fiscales pour les brevets, méritent d’être questionnés. En eux-mêmes, ces réductions ne favorisent pas l’innovation. En revanche, elles favorisent le pooling de brevets dans des filiales purement financières, dans une optique de concurrence avec d’autres pays sur ce secteur d’activité. Cet aspect du CIR vise surtout à encourager la relocalisation en France de certaines activités juridiques. S’il s’agit de créer de la nouvelle recherche en France, le Crédit impôt recherche est positif, mais s’il s’agit simplement d’attirer des activités qui se faisaient dans un autre pays, cela ne me semble pas avoir beaucoup de sens. Il faut penser européen. " (...)
La Commission européenne pousse depuis très longtemps à l’harmonisation fiscale, et ce sont les pays qui s’y opposent – en particulier l’Irlande pour l’impôt sur les sociétés et le Luxembourg pour la taxation de l’épargne. Mais beaucoup d’autres pays s’abritent derrière ces deux-là. La manière dont vous présentez la Commission en France, comme un agent systématiquement ultralibéral, est parfois un peu caricaturale. (...)