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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Quels sont les obstacles aux expulsions ?
Article mis en ligne le 24 février 2016

Alors que le nombre de nouveaux arrivants reste obstinément élevé, plusieurs pays européens durcissent le ton concernant l’accélération des expulsions des demandeurs d’asile déboutés.

Le ministre de l’Intérieur suédois a récemment annoncé que son pays s’apprêtait à expulser près de la moitié des 163 000 demandeurs d’asile arrivés en 2015. La Finlande a déclaré qu’elle prévoyait d’expulser les deux tiers de ses 32 000 demandeurs d’asile. L’Allemagne, qui a accueilli le plus grand nombre de demandeurs l’année dernière, vient quant à elle d’approuver des mesures destinées à accélérer les expulsions, notamment vers les pays qualifiés de « sûrs ».

Mais, en réalité, les expulsions sont difficiles à mettre en œuvre. Avant même que de nombreux pays soient débordés par la crise actuelle, les États membres ne réussissaient déjà guère à accélérer le retour des demandeurs d’asile déboutés et des immigrés clandestins.

En 2014, selon les dernières données d’EuroStat disponibles, plus d’un demi-million de ressortissants de pays tiers séjournaient illégalement sur le territoire de l’Union européenne (UE). La grande majorité d’entre eux faisaient l’objet d’une décision de retour les enjoignant à quitter le territoire dans un délai réglementaire (30 jours, généralement). Ceux qui n’obtempéraient pas étaient censés être expulsés de force, mais en réalité, seulement 40 pour cent l’ont été.

Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE, qui rassemble les chiffres produits par les autorités nationales, compte que les États membres ont renvoyé de force dans leur pays un peu plus de 52 000 immigrés en situation irrégulière au cours des trois premiers trimestres de 2015 (quelque 57 000 seraient partis volontairement). Les données des États membres concernant les expulsions ne sont pas ventilées en fonction du type d’immigration. Il est donc impossible de savoir combien de ces immigrés étaient des demandeurs d’asile déboutés. Mais étant donné que l’Europe a reçu près de 800 000 demandes d’asile au cours de la même période, on peut se faire une idée des efforts que devra fournir la Suède pour joindre le geste à la parole avec une même fermeté.

Que dit la loi ?

Depuis la fin de l’année 2010, l’expulsion des migrants en situation irrégulière est régie par la « directive retour » (à l’exception du Royaume-Uni et de plusieurs autres pays qui ont choisi de ne pas y adhérer). Cette directive limite le recours à la rétention et aux mesures coercitives et est plus favorable aux retours volontaires qu’aux retours forcés.

Non seulement les retours volontaires sont considérablement moins chers, mais ils sont évidemment plus humains. (...)

L’Office suédois des migrations cherche à accélérer les retours, mais selon Mme Grauselds, l’accumulation des demandes d’asile rend cette tâche difficile. « Le temps de traitement moyen est actuellement de 11 mois, mais il augmentera probablement beaucoup cette année. Il pourrait atteindre les 18 mois. Puis il faut compter le temps de la procédure judiciaire [pour ceux qui font appel après le rejet de leur demande]. Les affaires s’accumulent dans les tribunaux aussi et cela peut prendre 10 autres mois. »

Autrement dit, quelqu’un ne remplissant pas les conditions nécessaires pour obtenir l’asile peut rester dans le pays pendant plus de deux ans avant qu’une procédure d’éloignement soit mise en route.

Les retards s’accumulent particulièrement en Allemagne. Des centaines de milliers de demandeurs d’asile attendent encore d’être enregistrés et a fortiori de recevoir une décision concernant leur statut de réfugié. (...)

L’Allemagne fait l’objet de pressions pour augmenter de manière significative son taux d’expulsion et les associations de défense des droits des réfugiés craignent que cela conduise à un retour aux méthodes de rétention et d’expulsion plus draconiennes des années 1990. (...)

Le gouvernement a récemment ajouté la Tunisie, le Maroc et l’Algérie à sa liste de pays sûrs, mais il ne peut pas procéder à des mesures d’éloignement tant qu’il n’obtient pas les accords de réadmission nécessaires.

Depuis mi-2015, la majorité des demandeurs d’asile arrivant en Allemagne et ailleurs en Europe viennent de pays en guerre comme la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Même si l’Allemagne rejette un certain nombre de demandeurs d’asile afghans considérés comme des migrants économiques, comme elle a menacé de le faire, elle aura du mal à convaincre que l’Afghanistan n’est pas trop dangereux pour y renvoyer les demandeurs d’asile déboutés.

Coincés dans un vide juridique

Les demandeurs d’asile déboutés en Allemagne et qui ne peuvent pas être renvoyés chez eux pour diverses raisons — parce qu’ils sont atteints d’une maladie grave, que leur nationalité ne peut être prouvée ou que leur pays d’origine refuse de les réadmettre — rejoignent les rangs des « tolérés » (« duldung » en allemand). Ils ne peuvent être expulsés, mais n’ont pas de permis de séjour et ne peuvent donc souvent pas travailler ni avoir accès aux services sociaux. (...)