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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Quelle alternative à la guerre contre la drogue ?
Article mis en ligne le 8 mars 2016
dernière modification le 4 mars 2016

L’échec de la « guerre contre la drogue » est largement reconnu. La logique militaire adoptée, fondée sur l’interdiction et l’incarcération, a attisé la violence et augmenté la misère de manière ahurissante. Elle a coûté des milliards de dollars et n’a réduit ni l’offre ni la demande.

En avril, la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) adoptera par consensus une position sur la lutte contre la drogue, mais rares sont ceux qui s’attendent à un véritable remaniement du cadre mondial actuel, résolument conservateur.

Certains réformistes cherchent donc à prendre modèle sur les objectifs de développement durable (ODD).

Les détracteurs de la campagne de « guerre contre la drogue » ont depuis longtemps recours au terme « réduction des méfaits » pour défendre une démarche plus humaine, traitant l’addiction comme un problème de santé plutôt que comme un délit.

Ils dénoncent les contradictions flagrantes entre le cadre politique actuel en matière de lutte contre la drogue et le nouveau programme mondial de développement approuvé par tous. (...)

Selon certains experts, si quelques-uns des 17 objectifs de développement étaient ne serait-ce qu’à moitié atteints, alors les individus, les communautés et les États pourraient mieux résister aux dommages causés par la toxicomanie et par le trafic. Ils estiment également que si les 100 milliards de dollars de dépenses annuelles consacrées à la lutte contre la drogue servaient plutôt à mettre en place des mesures en faveur du développement, certains ODD seraient plus faciles à atteindre.

Le monde sans drogue envisagé par la politique actuelle semble utopique. Ce n’est pas le cas d’un monde où la production, la commercialisation et l’usage des drogues illicites seraient maîtrisés et contrôlés de manière moins pernicieuse.

« Les ODD ne traitent ni ne résolvent [le problème des] politiques de lutte antidrogue, mais ils nous apportent un cadre nous permettant de nous attaquer à ces questions de manière plus appropriée et sans simplement créer de nouveaux méfaits », a dit John Collins, rédacteur d’un rapport de la London School of Economics sur les conséquences de la guerre contre la drogue.

Une approche fondée sur des données probantes

D’autres études récentes placent elles aussi le développement au centre des débats sur la nouvelle politique antidrogue. (...)

Dans le cadre général actuel de lutte contre la drogue, le développement est défini de façon restrictive comme « développement alternatif », faisant par exemple référence à la recherche de moyens de subsistance de remplacement pour les cultivateurs de pavot ou de coca, ruinés par les campagnes de destruction des cultures. Pour de multiples raisons, ces programmes critiqués comme étant de simples mesures de façade n’ont pas eu l’effet escompté.

Un important tabou vient cependant tempérer tout enthousiasme excessif concernant les éventuels bénéfices d’une démarche plus cohérente donnant la priorité au développement : il s’agit de la longue liste de pays n’ayant pas l’intention de s’écarter du régime actuel axé sur la lutte contre la criminalité.

Ces pays sont l’Iran, la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon et quantité d’autres États du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique.

Il y a donc peu d’espoir que les réjouissances d’avril, qui réuniront pendant trois jours à New York de hauts fonctionnaires, des férus de politiques publiques et des militants de la société civile du monde entier, donnent lieu à des changements concrets. (...)

Selon toute attente, l’UNGASS devrait produire un document consensuel maintenant le cadre actuel de lutte contre la drogue, mais permettant aux États membres de mettre en œuvre leurs propres mesures et d’en expérimenter de nouvelles.

C’est ce qui est déjà en train de se passer : certains pays dépénalisent, voire légalisent la possession ou la culture de cannabis. (...)

De nombreux pays européens (comme la Suisse, le Portugal et les Pays-Bas) mènent discrètement depuis des années leurs propres expérimentations en matière de réduction des méfaits — avec, par exemple, des programmes d’échange des seringues, qui traitent la toxicomanie davantage comme un problème de santé que comme un délit. De leur côté, des pays d’Amérique latine ont plaidé ouvertement pour l’abandon de la guerre contre la drogue menée par les États-Unis.

Ces pays font en effet les frais de la violence des gangs et des déplacements massifs involontairement engendrés par cette stratégie. Ce sont le Mexique, le Guatemala et la Colombie qui ont demandé en 2012 une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies dans l’espoir de changer le statu quo bien avant l’examen de la politique antidrogue prévu en 2019.

Ce changement de ton ne s’est cependant pas encore traduit par une application de la loi plus indulgente en Amérique latine, comme le signalent Catalina Perez et d’autres dans le rapport de la London School of Economics.

Ce qui a vraiment pesé en faveur d’une plus grande flexibilité, c’est le choix des États-Unis d’aller dans ce sens en cherchant à limiter les incarcérations pour des infractions mineures relatives aux stupéfiants et, pour certains États, en dépénalisant la marijuana, voire en la légalisant. (...)

Il est bon de noter que de nombreux changements non négligeables sont en cours. Même si le terme de « réduction des méfaits » reste imprononçable pour de nombreux États et n’apparaîtra pas dans le document de l’UNGASS, ses principes sont de plus en plus largement acceptés, disent les experts.
(...)