Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Que propose vraiment le Pacte mondial sur les migrations de l’Onu, qui fait tant peur aux partis xénophobes ?
Article mis en ligne le 10 décembre 2018

192 pays membres des Nations Unies ont adopté un pacte mondial sur les migrations. Le texte, non-contraignant, doit permettre une coopération internationale sur la question des migrations, et rappelle un minimum de principes fondamentaux concernant le respect des droits humains. Des États dirigés par des gouvernements xénophobes comme la Hongrie et la Pologne ont annoncé qu’ils ne signeraient pas ce texte, et des partis d’extrême-droite multiplient les mensonges sur le sujet. L’accord final doit être signé en décembre au Maroc. Décryptage.

En juillet dernier, 192 États membres des Nations Unies, à l’exception notable des États-Unis de Trump, se sont mis d’accord sur un texte qui acte d’un besoin de coopération internationale en matière de gestion des migrations. Le projet final du pacte souligne ainsi un « engagement commun à améliorer la coopération sur les migrations internationales ». « La migration a été une partie intégrante de l’expérience humaine à travers l’histoire, et nous reconnaissons que c’est une source de prospérité, d’innovation et de développement soutenable dans notre monde globalisé, et que cet impact positif peut être optimisé en améliorant la gouvernance des migration », dit le texte.

Ce pacte n’est pas contraignant et réaffirme la souveraineté des États à déterminer leur politique migratoire nationale, en conformité avec le droit international. (...)

Extrait du projet final du pacte qui sera adopté le 10 décembre à Marrakech.

« Éliminer toutes les formes de discriminations »

« Nous réaffirmons aussi l’engagement à éliminer toutes les formes de discrimination, dont le racisme, la xénophobie et l’intolérance à l’encontre des migrants et de leur familles », ajoute le document. Ne pas discriminer, combattre le racisme et respecter les droits humains ne semble donc pas acceptable pour une partie des gouvernements européens qui ont fait de la xénophobie le carburant de leur gestion politique et de leur succès électoraux. (...)

En 2017, la planète comptait 258 millions de personnes migrantes, dont 68 millions de personnes déplacées de force et reconnues comme réfugiées par les institutions internationales. Les deux-tiers de ces réfugiés proviennent de cinq pays : la Syrie, l’Afghanistan, le Sud Soudan, le Myanmar (Birmanie) et la Somalie. Parmi les dix pays qui en hébergent le plus, un seul est européen : l’Allemagne, en sixième position derrière la Turquie, le Pakistan, l’Ouganda, le Liban et l’Iran. En plus du pacte pour les migrants, l’Onu travaille d’ailleurs à un pacte spécifique sur les réfugiés. « Le pacte sur les réfugiés n’apporte pas grand chose de nouveau à nos yeux. Celui sur les migrations est beaucoup plus positif. C’est le premier texte qui réunit plus de cent pays autour de la table pour négocier ensemble. Il dit qu’il faut des voies légales et sures de migration, explique Cécile Vanderstappen, chargée de plaidoyer au Centre national de coopération au développement de Belgique.

« À terme, le pacte sur les réfugiés devrait être incorporé au pacte sur les migrations, ajoute François Gemenne, chercheur spécialiste des migrations à Science-Po et à l’Université libre de Bruxelles. Le pacte sur les migrations n’est pas un texte très ambitieux. Il est assez consensuel et rappelle beaucoup d’évidences. Mais il a le mérite d’exister. Il est positif dans le sens où c’est le premier texte qui pose les bases d’une coopération internationale en terme de gestion des migrations », analyse le chercheur.

Un cadre de discussions sur les migrations sur le modèle des conférences climatiques (...)

L’Onu est plus progressiste que l’UE sur la question migratoire, parce que c’est un cadre où les choses se discutent avec les pays de départs et de transit » (...)

Risque d’effet domino de sortie de l’accord
Les gouvernements de Hongrie – où la politique du chef de gouvernement Viktor Orban est de plus en plus xénophobe et autoritaire – et la Pologne – gouvernée depuis 2015 par un parti réactionnaire adepte des discours anti-migrants, des attaques contre les droits des femmes, contre la justice et les médias – s’étaient déjà opposés au programme de l’UE de relocalisation de demandeurs d’asile depuis les pays d’arrivée, essentiellement la Grèce et l’Italie, alors même que ces deux pays n’auraient du accueillir que quelques milliers de personnes.

« Il n’y a malheureusement aujourd’hui aucune réaction de l’UE face à ces annonces de pays qui veulent sortir du pacte mondial sur les migrations. Alors que c’est l’UE qui avait demandé un tel pacte après la crise migratoire de 2015 », souligne François Gemenne. En Belgique, le gouvernement souhaite signer le pacte, mais l’un des partis membre de la coalition, le parti nationaliste flamand N-VA, le refuse. « Il y a un risque d’effet domino de sortie de l’accord. L’Italie aussi pourrait décider de s’en retirer », se désole François Gemmene. « Nous ne comprenons vraiment pas tout ce show au sein du gouvernement belge autour du pacte », ajoute Cécile Vanderstappen. Il en est effet rare que des textes internationaux non-contraignants se retrouvent au centre des débats politique nationaux.

En Allemagne, le parti d’extrême droite AfD s’est précipité sur le sujet pour porter ses arguments xénophobes. À coup de flyers, autocollants, de pages internet dédiées, il accuse le pacte international de vouloir obliger l’Allemagne à accueillir des exilés, d’être un « programme caché d’installation pour les migrants pauvres et économiques », et fait campagne pour une sortie de l’Allemagne de l’accord. Une partie du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel, la CDU, commence aussi à contester le pacte. En décembre, les élections internes à la CDU doivent décider qui succèdera à Merkel à la tête du parti, et donc, potentiellement, de l’Allemagne.

Lire aussi : Le Pacte sur les Migrations adopté lundi à Marrakech, malgré les tensions

Des représentants de plus de 150 pays se réunissent lundi à Marrakech, au Maroc, pour approuver le Pacte mondial sur les Migrations piloté par l’ONU, un texte qui polarise les critiques des nationalistes et des anti-migrations.

C’est par un simple coup de marteau que le texte destiné à renforcer la coopération internationale pour une "migration sûre, ordonnée et régulière" sera adopté lundi matin après proclamation orale, selon les informations diffusées par l’ONU à Marrakech.

Sans vote ni signature, la conférence intergouvernementale de Marrakech devait être une simple étape formelle du processus, avant un ultime vote de ratification le 19 décembre à l’Assemblée générale de l’ONU. Mais le sujet déchaînant les passions, une quinzaine de pays ont fait part de leur retrait ou du gel de leur décision.

"Il est étonnant qu’il y ait eu autant de désinformation à propos de ce que le Pacte est et de ce qu’il dit (...), il ne crée aucun droit de migrer, il ne place aucune obligation sur les Etats", a martelé Louise Arbour, la représentante spéciale de l’ONU pour les migrations, dimanche soir au cours d’une conférence de presse à Marrakech.

 Non contraignant -

Un total de 159 des 193 pays membres de l’ONU ont confirmé leur présence à Marrakech. Une centaine seront représentés au niveau des chefs d’Etat, chefs de gouvernement ou ministres, ce qui selon Louise Arbour, "correspond tout à fait à la moyenne". (...)

Non contraignant, le Pacte recense des principes - défense des droits de l’homme, des enfants, reconnaissance de la souveraineté nationale - et liste des propositions pour aider les pays à faire face aux migrations - échanges d’information et d’expertises, intégration des migrants. Il interdit les détentions arbitraires, n’autorisant les arrestations qu’en dernier recours.

Les défenseurs des droits de l’Homme le trouvent insuffisant, notamment sur l’accès des migrants à l’aide humanitaire et aux services de base ou sur les droits des travailleurs migrants. Ses détracteurs le voient comme un encouragement à un flux migratoire incontrôlé. (...)

A ce stade, neuf pays se sont retirés du processus après avoir approuvé le texte le 13 juillet dernier à New York - Autriche, Australie, Chili, République tchèque, République dominicaine, Hongrie, Lettonie, Pologne et Slovaquie - et sept ont souhaité plus de consultations internes - Belgique, Bulgarie, Estonie, Israël, Italie, Slovénie et Suisse -, selon Louise Arbour.

A Ottawa, des échauffourées ont opposé samedi des groupes pro-immigration et des militants de droite opposés à l’adhésion au Pacte. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, lui, entend bien le signer : "Accueillir les gens venus du monde entier grâce à un système d’immigration rigoureux est ce qui a fait du Canada un pays fort, et c’est quelque chose dont le monde a toujours davantage besoin", selon lui.

 Absence de Macron -

Egalement favorable au texte, la chancelière allemande Angela Merkel est arrivée au Maroc dimanche. Les chefs des gouvernements espagnol, grec, danois, portugais et belge ont confirmé leur venue.

Mais la décision du Premier ministre belge Charles Michel de se rendre à Marrakech a fait exploser sa coalition gouvernementale avec les nationalistes flamands du N-VA, après plusieurs jours de bras de fer.

Ce parti anti-immigration a tenu samedi un meeting à Bruxelles avec Marine Le Pen, patronne de l’extrême droite française, et Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, pour dénoncer le Pacte, brandi comme épouvantail par les populistes à travers l’UE à l’approche des élections européennes en mai prochain.

Le président français Emmanuel Macron a décidé de déléguer à Marrakech le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne, alors que le sujet suscite l’opposition de la droite, de l’extrême droite mais aussi de certains "gilets jaunes", ces Français qui manifestent depuis trois semaines dans les rues contre la politique fiscale et sociale.

Il y a environ 258 millions de personnes en mobilité et migrants dans le monde, soit 3,4% de la population mondiale.