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Non-Fiction
Que peut la psychanalyse pour le travail social ?
Psychanalyse et travail social, un certain cousinage, Louis-georges PAPON ©2015 érès poche - psychanalyse -
Article mis en ligne le 21 février 2015
dernière modification le 17 février 2015

Ce livre de Louis-Georges Papon est le premier opus de la collection Psychanalyse et travail social, dirigée par Joseph Rouzel, qui s’ouvre aux éditions érès. Bon ou mauvais augure ?
Que peut la psychanalyse ou le psychanalyste pour l’exclu ? Telle est la question posée par le livre. L’auteur étant psychanalyste et ayant travaillé auprès (d’équipes) de travailleurs sociaux en tant que formateur et superviseur, il explique ce que peut la psychanalyse dans le secteur social, et ce qu’elle ne doit pas viser.

L’ensemble du discours de Papon est caractérisé par le retournement du sens usuel de nos manières d’appréhender l’exclusion. Ainsi écrit-t-il : « On imagine mal l’énergie qu’il faut dépenser pour rester inactif. (...) le RMIste vit intensément son exclusion (...) Il vit un rapport presque charnel au corps social, submergé par les représentations qui font la passion du commun. » (p.28) Il est naturellement difficile d’ajouter quoi que ce soit à une telle affirmation, mais elle nous invite à penser autrement une exclusion toujours comprise de la même manière. En ce début de livre, Papon nous propose de regarder un autre horizon que celui de l’inénarrable échec des politiques publiques en matière d’exclusion : il rapporte le dire d’un directeur de Point Accueil Jeunes à Lille, Yves Thierry, qui s’interrogeait sur le fait qu’il n’ait « jamais eu à subir la moindre violence, malgré le climat dans lequel il exerçait. (...) Quand on ne cherche pas à colmater, à rectifier et à guérir, on est alors capable de laisser se déplier les énigmes de notre temps », commente Papon (p.28). J’ignore ce que peut vouloir dire « laisser se déplier les énigmes de notre temps », mais je pense qu’en effet, la spécificité de la psychanalyse par rapport aux autres approches est en effet de ne colmater ni ne rectifier (quant à guérir... pourquoi pas ?) Avec quoi s’agit-il alors de travailler quand on est orienté par la psychanalyse ? Avec une vérité que les autres approches dénient par colmatage, rectification ? C’est ce que nous dirions facilement, émoustillés par la perspective d’une vérité qui réveille. Mais Papon, artisan du retournement de la perspective, rappelle que la vérité endort également, parce qu’elle fascine ou s’intègre dans une routine. Toujours à contre-courant, il ajoute alors que ceux qui « réclament des stratégies et des solutions pour la semaine prochaine n’ont pas vraiment tort (...) [parce] qu’une réflexion trop complaisante sur les causes ultimes berce la belle âme et freine les entreprises. » (p.30) Poussant encore plus loin son raisonnement, il évoque « l’inertie de celui qui maîtrise le sens ». Etant donné le niveau de son écriture et l’usage expert qu’il fait des concepts analytiques, des expressions et habitudes de pensée des analystes, Papon paraît fort loin d’avoir renoncé à pénétrer le sens du discours des analystes. Pourtant, loin de s’y embourber, il est capable de noter pour nous en quoi la maîtrise du sens est aussi un facteur d’inertie. Tolérer l’idée de réclamer des solutions pour tout de suite au lieu de concourir à l’institutionnalisation de la vérité, voilà qui sonne agréablement dans ce monde de rapports s’accumulant sur les rapports qui s’accumulent dans les placards. Pour Papon, l’analyste doit « insister pour que la vérité ne soit pas l’objet d’une perception de laquelle se déduirait une conduite d’action idéalisée, mais bien la cause matérielle des déplacements dans la Cité. »

Tout le livre décline cette proposition qui implique que les travailleurs sociaux n’utilisent pas la psychanalyse comme une théorie qui énoncerait des vérités qu’il s’agirait d’utiliser, mais comme un art du surgissement (de la vérité subjective comme du réel) et de l’écoute, dût-elle vous laisser « sans répondant » (p.33). (...)