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le Monde Diplomatique
Quand le riz devient un produit financier
par Jean Ziegler, février 2012
Article mis en ligne le 1er septembre 2012
dernière modification le 29 août 2012

Pour son entrée en fonctions, au début de janvier, le nouveau directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, M. José Graziano da Silva, a promis d’augmenter les ressources destinées à l’Afrique, la « priorité » de son mandat. Mais au-delà de l’aide ponctuelle — nécessaire —, il faudrait soustraire les matières premières agricoles au système de spéculation, comme le proposent des économistes.

(...) Le sac de riz importé de 50 kilos coûte 14 000 francs CFA (1). Du coup, la soupe du soir est de plus en plus liquide. Seuls quelques grains sont autorisés à flotter sur l’eau dans la marmite. Chez le marchand, les femmes achètent désormais le riz au gobelet. La petite bouteille de gaz est passée, en quelques années, de 1 300 à 1 600 francs CFA ; le kilo de carottes, de 175 à 245 francs CFA ; la baguette de pain, de 140 à 175 francs CFA. Quant à la barquette de trente œufs, son prix a augmenté en une année de 1 600 à 2 500 francs CFA. Il n’en va pas différemment pour les poissons. Aïcha affecte maintenant de se quereller avec ses voisines, trop timides, à son avis, dans la description qu’elles font de leur situation : « Dis au Toubab ce que tu paies pour un kilo de riz ! Dis-le-lui, n’aie pas peur ! Tout augmente presque tous les jours. »

C’est ainsi que, lentement, la finance affame les populations. Sans que celles-ci comprennent toujours les mécanismes sur lesquels repose la spéculation. (...)

depuis l’éclatement de la crise financière, la spéculation sur les matières premières alimentaires n’a fait qu’accélérer : fuyant la débâcle qu’ils avaient provoquée, les spéculateurs — notamment les plus importants, les hedge funds, ou « fonds spéculatifs » — se sont reportés sur les marchés agroalimentaires. Pour eux, tous les biens de la planète peuvent faire l’objet de paris sur l’avenir. Alors pourquoi pas les aliments dits « de base » — le riz, le maïs et le blé —, qui, ensemble, couvrent 75 % de la consommation mondiale (50 % pour le riz) ?
(...)