
Métro Barbès – 15 heures. Ce jeudi, Kamel* est posté comme chaque jour face aux tourniquets de sortie de la station. Il tente d’alpaguer le chaland -« cigarettes, cigarettes ! » – quand il voit « des dizaines de fourgons de police arriver par tous les côtés. » En un instant c’est la débandade. Les vendeurs à la sauvette courent dans tous les sens, semant derrière eux des paquets de clopes et quelques babioles. Le jeune Tunisien, comme bon nombre de ses amis, n’a pas de titre de séjour. La plupart se précipitent à l’intérieur du Tati situé de l’autre côté de la rue.
Du premier étage du magasin, ils assistent au déploiement des CRS. « Ils ont mis en place des barrages », raconte Karim. Harnachés « comme Robocop », ils prennent position en travers de la rue, formant un mur d’uniformes. Impossible de passer. La même scène se répète dans les rues voisines : les forces de l’ordre établissent un périmètre. A l’intérieur : une partie de la rue de La Goutte d’Or, la rue des Islettes, la rue Capla, la rue Charbonnière et une partie du boulevard Barbès. En un instant, le quartier est bouclé.
Violence A l’intérieur du périmètre, c’est la panique. Certains se faufilent dans les halls d’immeuble, les cours ou les commerces. Mohamed, sans titre de séjour, tente sa chance en direction du boulevard Magenta. « Je voulais traverser ici. » Index tendu, il désigne un passage piéton sur le boulevard de la Chapelle. Il court sur le trottoir. « Un policier m’a mis un coup de pied », il exhibe alors un bleu sur l’arrière de sa cuisse tandis qu’un strap maintient son épaule blessée. « Ensuite, il m’a poussé contre les barrières en me tirant le bras dans le dos », continue le Tunisien de 29 ans. « Et puis, je ne sais pas pourquoi, il m’a relâché en me disant ‘vas-y dégage’ ». Sans demander son reste, il s’éloigne du quartier.
A chaque intersection, les riverains racontent la même histoire : un cordon de CRS prend position en travers de la rue. Progressivement, une queue se forme au check-point. « Pour entrer ou sortir du périmètre il fallait présenter ses papiers », explique un bistrotier de la rue de la Goutte d’Or. Lui comme ses clients sont priés de rester dans l’établissement, limitrophe de la zone bouclée. Ils regardent médusés l’opération. « Il y avait des dizaines de fourgons de police ici et autant par là. Au total plus de cent policiers », raconte un client, la quarantaine grisonnante et du plâtre plein le t-shirt. La préfecture de police, contactée par StreetPress, ne « souhaite pas communiquer sur les effectifs déployés ». A l’intérieur du périmètre, CRS, police de quartier et agents de la brigade anti-criminalité sillonnent les rues, pendant près d’une heure trente.
Rafle. Personne ou presque n’échappe au contrôle. « Comme s’ils cherchaient quelqu’un », raconte un vendeur de téléphone. Femme, enfants, personnes âgées… les policiers vérifient méthodiquement l’identité de chaque passant. Pas de papiers, immédiatement les talkie-walkies grésillent : « J’en ai un ! ». (...)