
Les 7 et 8 janvier, la Sorbonne accueille un étrange colloque intitulé : « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ». Décryptons cet événement en dressant le portrait de ses participant·es.
Nous aurons l’occasion d’y écouter l’actuel ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, entouré d’un panel de chercheurs et de chercheuses, d’auteur·es et d’intellectuel·les réuni·es par le Collège de Philosophie et le « Comité Laïcité République » [1]. L’écrasante majorité font partie de ces deux associations ou d’une troisième, l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, sorte de think tank néomaccarthyste proche du Printemps Républicain, qui regroupe des intellectuel·les de droite plus ou moins radicale et ridicules se présentant au public comme « parents, enseignants, citoyens » [2].
Le texte qui suit n’est ni plus ni moins qu’une série de portraits : ceux des interventant·es du colloque, ou du moins de celles et ceux que nous avons jugé pertinent de présenter. S’agissant d’un travail abrutissant, énergivore et chronophage, certain·es ont été plus ou moins volontairement laissé·es de côté. Nous leur présentons nos excuses. (...)
Qui a eu la brillante idée d’organiser ce truc ?
Pierre-Henri Tavoillot est un ancien conseiller de Jack Lang. Il est toujours ironique de trouver chez les pourfendeurs d’ordres moraux fantasmés ce type de petits fonctionnaires du pouvoir, ces conseillers ministériels et autres résidus de cabinets.
Emmanuelle Hénin est en phase avec le délire de Blanquer sur l’École de la République gangrénée. Elle a signé dans Le Point une tribune d’universitaires dénonçant comme une forme de fanatisme l’analyse cohérente de la société capitaliste, et a l’impression que les médias sont pris en otage par la bien-pensance déconstructiviste. (...)
Qui sont les intervenant·es du 7 janvier ?
Jacques Julliard est un ancien réformiste radical de la « deuxième gauche » parti à la dérive. Il a défendu le Plan Juppé à l’origine du mouvement de grève de 1995, avant d’amorcer sa réorientation vers une forme de centrisme républicain qui, comme tout centrisme, tendait à droite. En 2010, il quitte les rangs du Nouvel Obs, où il était éditorialiste, pour rejoindre ceux de Marianne, où il est éditorialiste. (...)
On pourrait qualifier son évolution idéologique de national-populiste, tant il s’évertue de présenter l’immigration et le métissage comme un péril pour « l’identité nationale » et son héritage.
Philippe Raynaud est membre du comité de rédaction de la revue libérale-conservatrice Commentaire, fondée en 1978 par Raymond, qui s’inquiétait alors du risque de voir débouler au pouvoir les socialos – ou pire, les cocos. La revue Commentaire est très intéressante, non pas pour la qualité de ses articles, mais pour les personnalités qui lui sont liées. Dans son comité de patronage siégeait autrefois Valérie Giscard d’Estaing, et désormais François Bayrou (...)
Xavier-Laurent Salvador a cofondé de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires. L’année dernière, il dénonçait dans Le Figaro une « prise d’otage » de l’université par des « idéologues radicaux » [7]. Toujours dans les colonnes du Figaro, il regrettait que certains de ses collègues appuient leurs thèses sur « témoignages personnels » et des écrits militants. Oui, le type se plaint que ses collègues utilisent des sources. (...)
Peggy Sastre est essayiste et blogueuse. Elle semble proche de la pensée libertarienne [8]. Elle défend l’idée lumineuse et pas du tout contradictoire que la domination masculine n’existe pas tout en ayant été acceptée par les femmes car elle servait leurs intérêts reproductifs. Un effort théorique que n’a pas manqué de saluer Marlène Schiappa, contrairement à Odile Fillod. Ingénieure diplômée de l’École centrale Paris et titulaire d’un DEA de Sciences cognitives, cette dernière a critiqué Peggy Sastre pour son absence de formation tant scientifique que journalistique, pour la facilité avec laquelle elle déforme les positions de ses adversaires, pour son recours grossier à des arguments d’autorité tous pétés, et pour sa manie de dénoncer à tout-va les « parti-pris » de ses adversaires. Pour Odile Fillod, Peggy Sastre n’est ni plus ni moins qu’une « essayiste et chroniqueuse pamphlétaire à la Éric Zemmour ».
Jean Szlamowicz est membre l’Observatoire susnommé. Il se distingue par ses nombreux ouvrages aux titres volontairement outranciers et provocateurs, mais n’a pourtant de cesse de se victimiser et de hurler à la censure, à la prise d’otage de l’université par la bien-pensance, etc. (...)
Mathieu Bock-Côté est un ultraconservateur fustigeant régulièrement la dictature de la bien-pensance et de la gauche aux côtés d’Eugénie Bastié et de Charlotte d’Ornellas. Il est de ceux qui courent les plateaux de télévision pour y déclarer qu’on ne peut plus rien dire, alors que ni vous ni moins n’avons eu ni n’aurons jamais l’occasion d’y foutre les pieds et d’y asseoir nos fesses, sur un plateau télé. (...)
Le "colloque" des 7 et 8 juin sur la cancelwokonstruction est organisé par le Collège de Philosophie, organisme dont le nom peut prêter à confusion avec celui qui fut créé en 1983 par Derrida, Faye, Lecourt & Châtelet, que j'ai eu l'honneur de présider.
Je vous fais un schéma : pic.twitter.com/11glrV1DB3— M.Potte-Bonneville (@pottebonneville) January 5, 2022