
Évaluation de la douleur, repérage des addictions…, deux rapports de la Haute Autorité de Santé relatifs à la qualité et la sécurité des soins en psychiatrie appellent à des améliorations importantes.
Si tout le système de santé est en crise, c’est encore plus le cas de la psychiatrie, parent pauvre du secteur qui souffre de la désaffection des professionnels et donc d’une dégradation des conditions de travail et de la prise en charge des patients, et ce parfois dès l’accueil en établissement. Deux rapports de la Haute Autorité de Santé (HAS), publiés en mars, présentent les résultats des mesures de qualité* proposées en 2021 aux établissements, avec pour périmètre, d’une part, les hospitalisations à temps plein, et en ambulatoire dans les centres médico-psychologique (CMP), d’autre part. Ces mesures, qui concernent 4 indicateurs (évaluation de la douleur, l’évaluation cardiovasculaire et métabolique, évaluation gastro-intestinale et repérage des addictions) s’appuient sur les données transmises par les établissements volontaires – soit environ 35% de participation – et ne permettent donc de ne dessiner qu’une tendance. Mais elles démontrent que des améliorations dans la mise en œuvre de ces indicateurs sont nécessaires. (...)
Des" résultats faibles" pour l’évaluation de la douleur
Le premier indicateur concerne l’évaluation somatique de la douleur et ne concerne en réalité que les hospitalisations temps plein. Il mesure "l’évaluation de la douleur avec une échelle, prérequis à toute prise en charge, ainsi que l’existence de la stratégie de prise en charge suivie de la réévaluation pour tous les patients ayant au moins une douleur modérée", précise la HAS. Et le constat est sans appel : "Les résultats sont faibles et une variabilité interétablissement importante est observée", alors même que "toute prise en charge hospitalière doit évaluer et prendre en charge la douleur des patients", ceci afin "d’améliorer leur confort de vie et d’hospitalisation", alerte-t-elle. Seuls 54% des patients ont ainsi bénéficié de l’évaluation et de la prise en charge telle qu’attendues. (...)
Des manquements sérieux dans les lettres de sortie
Autre indicateur spécifique à l’hospitalisation : la qualité de la lettre de liaison à la sortie, rendue obligatoire par décret en 2016 et qui permet d’assurer la coordination entre les professionnels de l’hôpital et ceux de la ville. La mesure s’appuie sur 12 critères (remise au patient, date d’entrée et de sortie, synthèse médicale du séjour, traitements médicamenteux à la sortie…), et là encore, d’importantes améliorations sont attendues. 40% des lettres seulement sont remises aux patients à leur sortie, et moins de la moitié contiennent" les informations nécessaires à une bonne coordination sur le traitement médicamenteux à la sortie" (44%) ou identifient le médecin traitant (46%). (...)
Une évaluation cardiovasculaire insuffisante surtout dans les CMP
Viennent ensuite les indicateurs relatifs à l’évaluation cardiovasculaire et métabolique, composée de 6 critères (antécédents cardiovasculaires et métaboliques, facteurs de risques thrombo-emboliques, mesure de la pression artérielle, mesure des paramètres anthropométriques, conclusion médicale vis-à-vis d’un ECG, et résultats vis-à-vis des examens sanguins), et à l’évaluation gastro-intestinale. En hospitalisation, le premier indicateur révèle que" seule la moitié des éléments nécessaires à l’évaluation cardio-vasculaire et métabolique sont présents dans les dossiers". (...)
seulement 18% des 9 806 dossiers analysés contiennent les deux évaluations demandées (...)
Au sein des CMP, l’insuffisance de l’évaluation cardio-vasculaire et métabolique est encore plus flagrante, où seuls 14% des éléments nécessaires sont pris en compte dans les 6 202 dossiers analysés, sur 99 établissements. (...)
Or, rappelle la HAS, la prise en compte de l’ensemble des éléments pour ces deux indicateurs est primordiale, d’une part pour améliorer la prévention des maladies cardio-vasculaires et réduire la morbi-mortalité des patients, et d’autre part pour limiter les risques liés à la prise de traitements.
Le repérage des addictions encore trop négligé
Et le constat est plus ou moins identique, question repérage et prise en charge des addictions au tabac, à l’alcool et au cannabis. En hospitalisation temps plein, moins de la moitié des éléments nécessaires à l’évaluation et à la prise en charge (46%) se retrouvent dans les dossiers analysés. (...)
S’il s’agit ici du tout premier recueil de ce type de données en psychiatrie – ce qui explique qu’il ait été effectué sur la base du volontariat – les indicateurs seront de nouveau mesurés en 2023 en prenant en compte les dossiers de 2022 afin de "suivre l’amélioration des pratiques".