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Respublica
Progression de l’autre gauche en Europe et régression du Front de gauche en France : pourquoi ?
Article mis en ligne le 5 juin 2014

Dans le dernier édito de Respublica intitulé 25 mai 2014 : désastre des gauches en France ! Que faire ?​, nous avons montré que le désastre des gauches touchait aussi le Front de gauche et plus généralement toute la gauche de la gauche française sans exception. Et pourtant, l’autre gauche progresse dans de nombreux pays européens (Portugal, Espagne, Grèce, etc.). Quelques pistes pour répondre à ce paradoxe.

En 2009, Syriza faisait 4,7 % des voix et le Front de gauche, plus de 6%. Puis les deux partis progressent. Le Front de gauche atteint plus de 11% à la présidentielle de 2012.
En 2014, Syriza est le premier parti de Grèce avec 26,57 % et le Front de gauche perd 5 % avec un peu plus de 6%. Devant l’enthousiasme romantique des militants du Front de gauche persuadés que l’attelage du Front de gauche les amènera à la victoire, le désastre français était pourtant programmé.
D’un côté, Syriza axe toute sa campagne contre les politiques concrètes d’austérité. Pendant ce temps, la gauche de la gauche française privilégie le relativisme culturel, priorise l’écosocialisme, et témoigne de confusion stratégique (alliée au PS en promouvant un discours de rupture). En quelques mots, Syriza se préoccupe de ceux qui souffrent quand la gauche de la gauche française a des préoccupations plus abstraites pour la classe populaire ouvrière et employée, majoritaire dans notre pays, laissant les confessions prendre une part prédominante dans le caritatif et l’associatif .
Un travail de terrain considérable a été mené par le Syriza depuis deux ans, à travers notamment son soutien aux assemblées de quartier dont l’ordre du jour n’est pas fixé par les directions des organisations (et qui ont peu à voir avec les assemblées dites citoyennes du Front de gauche, qui sont des assemblées de militants où le public représente 10 à 15 %) et à tout un réseau de mouvements d’entraide, « Solidarité pour tous » (ainsi des « dispensaires sauvages militants » pallient en partie la baisse de l’accès aux soins dans les structures existantes de santé).

Ces initiatives sont nées dans la foulée du mouvement des Indignés qui avait éclos en Grèce un an plus tôt, et sur les décombres d’une politique d’austérité dévastatrice depuis 2010.

A noter d’ailleurs, qu’en Espagne la poussée électorale de Podemos relève aussi de préoccupations concrètes relevant des Indignés. Sur le plan théorique, cela rappelle la nécessité de travailler, selon le mot de Jean Jaurès, à la double besogne : l’action immédiate comme première besogne et le projet en deuxième besogne (à noter que cette action sur le lien social est celle des islamistes dans les pays arabes, avec les succès qu’on connaît). (...)

Séparer les deux besognes comme le fait la gauche de la gauche française, soit en ne gardant que la première, soit en ne s’intéressant qu’à la deuxième, est une impasse. Alors que le Conseil national de la Résistance avait su travailler à la double besogne : le plan d’action immédiate et le projet des « jours heureux ».

A noter encore que, dans le programme de Syriza figure la proposition de convocation d’une conférence internationale, à l’image de celle de Londres en 1953 qui avait conduit à l’effacement d’une grande partie de la dette allemande. Autre particularité, la liste de Syriza est une liste composée de nombreux militants intellectuels et associatifs et de victimes du néolibéralisme, et non seulement comme dans la gauche de gauche française uniquement des dirigeants de l’appareil bureaucratique partisan, peu liés aux « masses » comme on disait il y a quelques décennies. (...)

Les « ravagés » par l’Europe qui veulent s’exprimer et dire non à l’actuelle construction européenne n’ont en France que l’abstention ou le vote FN depuis qu’une partie du Front de gauche a fait campagne avec le PS aux municipales. Car c’est bien le déclassement ou la perspective du déclassement qui alimentent l’abstention et le vote FN. L’autre gauche en France a sous-estimé cette réalité objective et subjective. Elle n’a attaqué le FN que sur son aspect ethnique et xénophobe en oubliant que le peuple ne se nourrit pas de valeurs ! Le FN aura donc servi in fine aux néolibéraux eurobéats pour faire voter en faveur de l’UE en mettant l’accent uniquement sur le caractère ethnique et xénophobe du FN, en même temps qu’il a servi à détourner sur les immigrés les effets des ravages de la crise. (...)