
Comme les sociologues du politique l’ont montré et à l’inverse des sondages et de leurs commentateurs qui ne raisonnent que sur les votants (les suffrages exprimés), il existe une pluralité de rapports à l’acte électoral (inscription sur les listes électorales, abstention, votes blancs et nuls, votes) qui ne se distribue pas au hasard. La non-inscription et l’abstention affectent d’abord les « sans-diplôme », les chômeurs, les ouvriers et les employés (entre 25 et 30 % d’entre eux), à l’inverse d’autres groupes sociaux qui ont une « consistance électorale » plus forte : seuls 10 % des instituteurs et professeurs, 11 % des cadres du privé et chefs d’entreprise ne votent pas par exemple. Ces retraits de la participation électorale qui tiennent à une forme de dépossession par rapport à la lutte politique telle qu’elle s’exerce et se joue ont fortement augmenté depuis les années 1980.
...C’est cette montée de l’abstention parmi les catégories sociales les plus fragiles qui est une nouveauté des trente dernières années. Si elle n’empêche pas d’autres formes de mobilisation et d’intérêt pour la vie politique (conflits du travail, solidarité de proximité), si elle n’atteint pas l’ensemble des groupes populaires (mais de larges fractions d’entre eux), reste qu’elle progresse également dans d’autres lieux centraux de défense des intérêts sociaux...