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Précarisation et enseignement à distance : nouvelle cure d’austérité en vue pour les universités
Article mis en ligne le 18 juin 2020

Avec le confinement, l’enseignement à distance imposé par le contexte de crise sanitaire a révélé les inégalités matérielles qui pèsent sur les étudiants. Il pourrait cependant être généralisé à la rentrée. Des enseignants-chercheurs s’inquiètent pour l’université du monde d’après.

Malgré les demandes de report des enseignants, la rentrée universitaire est toujours prévue pour septembre. Les personnels académiques ont donc quelques mois pour déterminer les conditions d’accueil des 2,73 millions d’étudiants attendus pour la rentrée. Dans un entretien paru dans Le Parisien le 8 mai, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, appelait les personnels académiques à « réfléchir » au maintien des cours à distance. Si cette mesure semble justifiée par le contexte de crise sanitaire, les enseignants-chercheurs avertissent des dangers des cours « 100% à distance », inscrits selon eux, dans un projet global de privatisation de l’enseignement.

Plutôt suggérée qu’imposée, l’annonce de la ministre n’a pas manqué de faire réagir le corps enseignant, sur le qui-vive depuis le début de l’année. Mobilisés contre la réforme des retraites qui les pénalisent, les enseignants-chercheurs, soutenus par les étudiants, ont aussi fait entendre leur voix contre le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (la LPPR) présenté le 25 février. Ce projet de loi, examiné le 13 juin par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, prévoit entre autre une répartition sélective des ressources accordées à la recherche, et une précarisation du statut d’enseignant-chercheur.

Face à la « suggestion » de la ministre de maintenir l’enseignement numérique, les enseignants-chercheurs ne sont donc pas dupes. Après 15 ans de politique d’austérité contre l’enseignement public et la recherche, les cours à distance seraient avant tout une aubaine pour économiser les locaux et les personnels académiques. Depuis l’annonce de la ministre, les enseignants sont des centaines à dénoncer individuellement ou collectivement, dans plusieurs médias ou sur les plateformes associatives, l’appauvrissement de la recherche et l’anéantissement de la vie universitaire qui se profilent avec le « tout numérique ». (...)

Le recrutement des enseignant-chercheurs en baisse de 40 % (...)

Dans cette logique « d’économie de la connaissance » engagée contre les universités, où le numérique se substitue à l’enseignant, la ministre propose également de remplacer le traditionnel partiel sur table par l’examen télé-surveillé. Pour les étudiants, la surveillance via une webcam ou des logiciels pilotés par des entreprises privées pourrait donc devenir la norme.
Déjà mis en place par certains départements universitaires pendant le confinement, plusieurs enquêtes, notamment de Médiapart et La Quadrature du net, ont permis de révéler le caractère illégal, intrusif, et inégalitaire d’un tel dispositif en matière de protection des données. (...)

Face à des étudiants eux aussi fortement précarisés, les enseignants insistent sur la nécessité de maintenir au mieux la vie universitaire, et de faire de l’enseignement numérique un complément à l’enseignement « en présentiel ». Contre la privatisation et la numérisation de la recherche, des moyens académiques, et contre l’exclusion inévitable des étudiants les plus vulnérables, les enseignants demandent « un recrutement à la hauteur des enjeux » [3], qui seul permettra d’assurer une rentrée dans le respect des règles sanitaires. D’une tribune à l’autre, tous et toutes rappellent que le problème de l’université est aussi celui du service public : « Comme à l’hôpital, la seule bonne façon d’affronter la crise est de le faire avec des moyens supplémentaires, en rupture avec la logique austéritaire. »