
Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien. Vous vous souvenez sans doute de cette petite phrase scandaleuse du tout jeune président Emmanuel Macron prononcée en juin 2017 devant un parterre d’encore plus jeunes gens, les étoiles dans les yeux et la tête pleine de rêves de succès à la Station F, ce campus de start-up. Loin d’être anecdotique, cette phrase révèle une idéologie qui ne dit pas son nom.
Celle qui “contribue à légitimer un ordre politique fondé sur le conservatisme méritocratique, où chaque individu est considéré comme pleinement comptable de ses réussites et de ses échecs”. Cette dernière phrase est celle d’Anthony Galluzzo, maître de conférence à l’université de Saint-Etienne. Le 12 janvier 2023, il publie aux éditions La Découverte - Zones, “Le mythe de l’entrepreneur : défaire l’imaginaire de la Silicon Valley”. Dans son ouvrage, l’auteur franchit l’Atlantique pour aller s’attaquer à des géants étasuniens adulés par des pans entiers de la planète : Steve Jobs, Elon Musk, Bill Gates ou encore Jeff Bezos. Des hommes qui ont, pour beaucoup, changé le monde grâce à leur seul génie. (...)
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– (Editions La Découverte)
Le mythe de l’entrepreneur
Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley
Anthony Galluzzo
Elon Musk et Jeff Bezos aujourd’hui, Steve Jobs et Bill Gates hier, Thomas Edison et Andrew Carnegie un siècle plus tôt… De nombreuses célébrités entrepreneuriales peuplent nos imaginaires. Ces grands hommes seraient des créateurs partis de rien, des visionnaires capables d’imaginer des innovations révolutionnaires, des génies aux capacités hors du commun. Régulièrement, un même miracle semble se produire : un être d’exception pénètre un marché et le révolutionne. Il y provoque la création destructrice et bouleverse un ordre que l’on croyait immuable. Dans le grand roman de notre économie, les entrepreneurs sont ces héros qui sortent l’humanité de sa torpeur et lui permettent de faire des bonds en avant sur la route du progrès. Dans ce livre, Anthony Galluzzo s’attache à défaire cette mythologie, à comprendre ses caractéristiques et ses origines. Il montre en quoi cet imaginaire fantasmatique nous empêche de saisir la dimension fondamentalement systémique de l’économie et contribue à légitimer un ordre politique fondé sur le conservatisme méritocratique, où chaque individu est considéré comme pleinement comptable de ses réussites et de ses échecs.
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