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Pourquoi l’interdiction de certaines passoires thermiques par le gouvernement est « une arnaque »
Article mis en ligne le 15 février 2021

D’ici deux ans, les logements les plus mal isolés seront interdits à la location. Une mesure de bon sens mais formulée de telle manière qu’elle ne s’attaque qu’à une infime partie du problème. Explications.

Le gouvernement a annoncé qu’il interdirait la location des pires « passoires thermiques » à partir de 2023 [1]. Une annonce en trompe-l’œil selon Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER-Réseau pour la transition énergétique : seulement 2 % des passoires énergétiques seraient concernées sur les 4,8 millions logements les plus énergivores que compte la France (classés F et G sur le diagnostic de performance énergétique). Pour le comprendre, il faut se pencher sur la récente publication d’un décret sur le seuil de l’indécence énergétique. Que dit-il ? À partir du 1er janvier 2023, tous les logements dont la consommation énergétique excède les 450 kWh (kilowatt-heure) par mètre carré et par an seront interdits à la location. (...)

Or, cette mesure aura un impact très limité, selon Marie Moisan, responsable des projets précarité énergétique au CLER. « La grosse arnaque dans l’histoire c’est que le seuil est bien trop élevé. Les logements qui consomment autant, il y en a peu. » Par comparaison, les logements construits avant 1970, donc assez peu économes en énergie si des travaux d’isolation n’ont pas été accomplis, consomment en moyenne chaque année 200 kWh/m2. Les logements récents, construits depuis 2006, brûlent un peu moins d’énergie [2]. « Des logement à 450 kWh/m2/an, c’est de l’insalubrité, on est au-delà de l’indécence. On s’attaque à un tout petit morceau du problème », pointe Marie Moisan.

« Semer la confusion »

Un autre détail dans le décret en limite profondément la portée. « Le gouvernement parle de plafond à 450 kWh/m2/an en énergie finale [c’est à dire l’énergie consommée et facturée après transformation et transport, ndlr]. Or c’est en énergie primaire [c’est à dire l’énergie "potentielle" contenue dans les ressources naturelle avant transformation, ndlr] que les étiquettes du diagnostic de performance énergétique sont calculées », souligne Marie Moisan.

Or, cette différence de calcul a une incidence particulièrement importante pour les logements chauffés à l’électricité auxquels ce décret s’applique. (...)

« Comment ne pas penser que le gouvernement veut semer la confusion délibérément dans l’esprit des gens ? interroge Marie Moisan. Cela s’inscrit dans la politique de ce quinquennat de se tourner davantage vers le tout électrique. Sortir de l’énergie fossile est louable environnementalement, mais il y a des conséquences sociales, car l’électricité est beaucoup plus chère que le gaz ou le bois. Aussi, on justifie la construction de nouveaux EPR plutôt que de concentrer les efforts sur l’efficacité énergétique des bâtiments. Choisir un modèle énergétique plutôt qu’un autre, c’est un vrai choix de société. Cette manière de procéder n’a rien de démocratique, il faut ouvrir le débat avec les citoyens. » Le CLER demande un seuil à 330 kWh/m2/an en énergie primaire, un chiffre qu’il considère plus proche des réalités du terrain : « Et encore, à 330 kWh/m2/an, la facture reste salée. On ne peut pas demander à des gens de vivre dans des passoires. Il y a urgence ».