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Pourquoi l’Union européenne en fait si peu dans la lutte contre le coronavirus
Article mis en ligne le 25 mars 2020

D’abord l’Italie, puis la Hongrie, la Slovaquie, l’Espagne et l’Allemagne. Telle une série de dominos qui s’écroulent, les pays membres de l’Union européenne ont ces dernières semaines fermé un à un leurs frontières et pris des mesures drastiques pour lutter contre la propagation du coronavirus –le tout sans vraiment se coordonner avec les autres États, et encore moins avec les autorités européennes basées à Bruxelles.

Début mars, l’Allemagne décide d’interdire l’export de masques à ses voisins européens et d’un coup, c’est la solidarité entre pays qui est remise en question. La décision a depuis été annulée, mais elle est symbolique d’un manque de coordination et de décision au niveau européen.

Les économies et les vies des citoyen·nes européen·nes n’ont jamais été aussi interconnectées, et malgré tout, à l’heure de l’écriture de ses lignes, des centaines de ressortissant·es roumain·es et ukrainien·nes sont toujours coincé·es à la frontière hongroise.

Pourtant, comme le souligne Simona Guagliardo, une analyste spécialisée dans la santé de l’European Policy Centre, « les virus ne s’arrêtent pas aux frontières ».
Compétence des États membres (...)

en matière de gestion de crises sanitaires, l’Europe ne peut pas faire grand-chose.

« Elle ne peut pas fermer les écoles, suspendre des matchs de football ou mettre des villes européennes en lockdown », souligne Alberto Alemanno, professeur de droit à HEC et fondateur de The Good Lobby, qui vise à créer un lobby des citoyen·nes europén·nes.

Dans le domaine de la santé, les compétences restent largement l’exclusivité des États membres. (...)

Si l’organisation peut organiser des flux, pourquoi ne pas rationaliser et mutualiser ses équipements médicaux et son personnel de santé ?

« Nous devons nous rendre compte que les systèmes de santé sont liés à des traditions nationales, à l’histoire des pays et à comment ces sociétés sont construites, avance Simona Guagliardo. C’est pour cela qu’il est difficile de faire basculer ces compétences d’un niveau à l’autre. »

Au début de la crise, un sentiment de flottement s’est installé dans les couloirs des institutions européennes. Il aura fallu attendre le lundi 16 mars pour que la Commission se décide à fermer des frontières extérieures de l’UE pour trente jours. Mais même là, complexité européenne oblige, ce sont aux pays de décider s’ils suivent et implémentent cette décision. (...)

Soutien économique

Il faut bien reconnaître que l’UE a sorti l’artillerie lourde sur les questions économiques. La Banque centrale européenne, après une réaction timide, a débloqué 750 milliards d’euros pour soutenir l’économie du Vieux Continent.

Quant à la Commission, elle a annoncé vouloir assouplir les règles budgétaires, notamment la fameuse interdiction de dépasser les 3% de déficit, durant la crise du Covid-19. (...)

Mais est-ce qu’une réponse financière est suffisante, lorsque l’on touche à la vie des gens ?

La culture politique européenne, souvent lente, basée sur le compromis et les discussions sans fin, est mise à mal par la rapidité de la crise du coronavirus.

Vu de loin, l’Europe donne l’impression d’un orchestre dans lequel chaque instrument aurait décidé de jouer à son propre rythme. Vu d’ici, certain·es pourraient avoir l’impression d’être abandonné·es par leurs voisins.

En Italie, l’extrême droite a d’ores et déjà commencé à taper sur l’Union européenne. La partition est la même en France, où Marine Le Pen s’indigne contre les frontières ouvertes par l’UE.

Ce risque de poussée eurosceptique n’est certainement pas aidé par les réflexes de replis nationalistes qui prennent le dessus un peu partout. (...)

« Cette crise montre que nous devons décider si nous voulons être une vraie communauté européenne de personnes partageant la même destinée », s’alarme Roberto Castaldi, qui a lancé un appel pour plus d’intégration européenne, signé par des centaines de personnalités. (...)

Alors que de l’argent et un assouplissement des règles budgétaires sont mis sur la table, la question sera bien de voir comment l’Union européenne se comportera après la crise. Si l’Italie et sa dette colossale se retrouvent soumises au même régime que la Grèce en 2010, les conséquences risquent d’être catastrophiques pour le projet européen. (...)

D’une manière ou d’une autre, l’Union, en perpétuelle construction, devra revoir ses règles communes une fois la crise passée. « Cela va se produire comme cela s’est toujours produit dans l’histoire de l’intégration européenne, prédit Alberto Alemanno. Comme l’a dit Jean Monnet, “L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises”. »