
À première vue, le brevet soumis par Stephen Thaler, un scientifique de l’Université du Missouri, n’a rien de particulier. Il concerne un nouveau type de packaging dans le domaine agroalimentaire, supposé mieux conserver la chaleur et être plus simple à identifier et à manipuler par des machines.
Seulement, l’inventeur nommé dans le dépôt de brevet n’est pas Thaler lui-même mais un certain DABUS. DABUS est en réalité le sigle d’une machine appelée « Device for the Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience » : comme le précise le document, « cette invention a été automatiquement générée par une intelligence artificielle ».
C’est en tout cas ce que prétend Stephen Thaler, créateur de DABUS, une IA conçue pour imiter le brainstorming humain et imaginer de nouvelles inventions. Le scientifique estime donc ne pas être l’inventeur du brevet imaginé par sa machine. Pour la première fois dans l’histoire, une administration de dépôt de brevets, celle de l’Afrique du Sud, lui a donné raison en reconnaissant qu’une IA pouvait recevoir la maternité d’une invention.
Man vs Machine
Si cette part est historique, elle est loin de trancher le débat sur la capacité des machines à être considérées comme inventrices. Car mis à part l’Afrique du Sud, suivie peu après par l’Australie, personne n’a reconnu le brevet de DABUS.
En Europe comme aux États-Unis, les administrations spécialisées ont refusé d’attribuer à une intelligence artificielle la maternité d’un brevet. Selon elles, non seulement les lois ne permettent qu’à un être humain d’être considéré comme un inventeur, mais la détention d’un brevet permet surtout d’accéder à un ensemble de droits, ce qu’une machine ne peut posséder.
Au-delà des questions juridiques, le cas de DABUS ouvre un débat beaucoup plus large sur la nature même des machines et la possibilité de leur octroyer un statut d’auteur.
(...) Stephen Thaler est déjà parvenu à déposer des brevets d’inventions créées par ses machines, dont un design de brosse à dents en 1997. Seulement, il s’était à ce moment-là présenté comme en étant l’inventeur. Le fait qu’une machine puisse donner vie à une invention réellement nouvelle, ce que garantit le brevet, suffit ici à pouvoir lui accorder le statut d’inventeur. Un changement d’ère ?