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Pour débattre et échanger convenablement, devons-nous arrêter les messageries en ligne ?
Article mis en ligne le 28 mars 2022
dernière modification le 27 mars 2022

Les polémiques qui ont agité Sciences Po Grenoble illustrent les difficultés des échanges à distance et à l’écrit. Quelques bonnes pratiques existent pour garantir une communication intelligible, respectueuse, et constructive.

(...) Car les échanges en distanciel –chacun peut en faire le constat– sont souvent source de tensions et de malentendus dont on peut légitimement penser qu’ils auraient été évités dans le cadre d’échanges en présentiel. Pourquoi ? Pour une raison simple : les échanges par courriel ou par messagerie instantanée privent les interlocuteurs d’informations importantes et utiles à la compréhension du message et de son auteur. (...)

Contrairement à la discussion en personne, le courriel ne nous renseigne pas sur le ton de la voix, le regard ou les attitudes de l’interlocuteur : bref, sur toutes les expressions non verbales qui constituent le paralangage. Les linguistes le savent bien, ainsi que les négociateurs chevronnés (hommes d’affaire, diplomates…) qui privilégient toujours les rencontres en personne pour construire une relation de confiance et favoriser la coopération. (...)

Malentendus et agressivité

Au-delà du paralangage, la quantité d’information échangée lors d’une négociation par courriel est trois fois moins importante que lors d’une négociation en personne. Ceci s’explique à la fois par le passage du mode oral au mode écrit (plus contraignant) et par le caractère asynchrone de l’écrit, qui ralentit le processus d’échange et soumet les interlocuteurs à une forme de stress : sentiment d’attente (lorsqu’il s’agit de recevoir un message) et sentiment d’urgence (lorsqu’il s’agit d’y répondre). Ce stress engendre un certain nombre de biais comportementaux qui affectent les résultats de la négociation et la qualité des interactions. (...)

À défaut d’échange en face-à-face –aujourd’hui rendu difficile par les contraintes sanitaires–, la vidéoconférence constitue une excellente alternative. Celle-ci permet, en effet, de conserver le caractère synchrone des échanges et d’enrichir ceux-ci de données non verbales essentielles à une compréhension plus fine, et plus juste, du message et de son auteur. (...)

Enfin, et pour des raisons analogues, le téléphone doit être privilégié aux courriels puisque le ton de la voix s’y donne à entendre et la synchronicité y est assurée. L’idée générale, on l’aura compris, c’est de privilégier la modalité d’échange la plus riche, celle qui offre le plus d’information sur l’interlocuteur en réduisant la distance physique, temporelle et psychologique avec celui-ci. (...)

les nouvelles générations ont toujours connu les échanges en ligne et plébiscitent ce mode de communication.

Dans l’entreprise également, les échanges par courriel dépassent désormais les échanges par téléphone. (...)

En outre, les échanges en ligne passent désormais majoritairement par les smartphones. (...)

Parmi les détenteurs de smartphone, la messagerie instantanée devient le moyen de communication privilégié, devant l’usage de la voix et du SMS. L’écriture en ligne devient donc la modalité de communication dominante.

À ce stade, le premier conseil pourrait donc être d’encourager autant que possible les échanges et les débats en personne afin d’éviter les malentendus et les tensions tout en renforçant l’efficacité du discours (...)

Conscientes des enjeux, de nombreuses entreprises ont sensibilisé leurs collaborateurs à l’usage abusif du courriel, instaurant parfois des journées sans courriel. L’idée est louable et l’effort pour se déprendre de cette habitude doit être amplifié. (...)

sauf à considérer qu’un retour en arrière est possible, il est préférable (et urgent) d’apprendre à débattre, échanger, et négocier en ligne.
Les avantages du virtuel

Car, à bien y regarder, les outils de communication à distance offrent aussi des avantages considérables. En premier lieu, les courriels et messageries instantanées nous placent d’emblée dans le monde de l’écrit, réputé plus sûr que celui de l’oral dans nos sociétés occidentales. Il est par exemple conseillé, après une réunion de travail en présentiel, de résumer par écrit les points d’accord et de désaccord pour dissiper tout malentendu et conserver, le cas échéant, un document opposable.

En outre, les outils de communication à distance offrent plusieurs éléments de confort : possibilité de ne pas répondre, de répondre au moment désiré, de répondre malgré la distance, de répondre après réflexion, de répondre après investigation… Il s’agit ici de tirer avantage du caractère asynchrone de la communication en ligne. (...)

Enfin, la communication à distance permet de niveler les rapports de force en focalisant les débats sur les arguments, indépendamment de facteurs contextuels tels que la hiérarchie ou le nombre par exemple. (...)

Autant d’avantages finalement que n’offrent pas les échanges en personne, et qui sont décisifs dans le cadre de discussions à fort enjeux (...)

Quelques bonnes pratiques

Mais pour éviter les écueils décrits plus haut, il convient néanmoins de suivre quelques règles et bonnes pratiques garantissant une communication intelligible, respectueuse, et constructive.

  • Premièrement : systématiquement relire les messages à envoyer pour s’assurer qu’ils sont appropriés et qu’aucune mauvaise interprétation n’est possible (une relecture par un tiers de confiance s’avère très souvent utile).
  • Deuxièmement : toujours laisser la porte ouverte à des échanges en personne (le distanciel ne devant pas devenir la nouvelle norme).
  • Troisièmement : accorder invariablement le bénéfice du doute à l’interlocuteur, et demander des éclaircissements lorsque nécessaire. (...)