
L’Union Européenne donnerait son argent, beaucoup d’argent, aux grandes multinationales et même à la mafia ? On s’en doutait un peu, mais maintenant c’est officiel. Le Financial Times – premier quotidien économique au monde – et l’ONG Bureau of Investigative Journalism viennent de publier un substantifique dossier complété d’une gigantesque base de données en ligne des bénéficiaires des fonds structurels européens, projet par projet, la décentralisation des versements compliquant beaucoup la traçabilité des financements.
Les fonds structurels - 347 milliards pour le septennat 2007-2013 - sont avec la politique agricole commune (PAC) le véritable bras armé de l’Union Européenne. Un bras pas si musclé que ça, compte tenu de l’importance des populations concernées, de la durée des programmes, et de l’ambition de combler les écarts de développement antre les régions européennes, tout en redistribuant les richesses, mais bon…
Ce n’est peut être pas un hasard si le pavé arrive de Grande-Bretagne. (...)
En tout cas, les infos du Financial Times n’ont pas été démenties. Dans sa défense, la commission européenne a confirmé l’essentiel des faits, tout en s’attachant (comme le gros de la presse) à des éléments secondaires, tels que le retard (seulement 10% d’engagés en trois ans et demi) ou la non-utilisation des dits fonds, phénomènes certes existants mais relativement normaux. (...)
Toujours selon le Financial Times, qui ne passe pas pour un fanzine guévariste, alors que les fonds européens sont censés profiter essentiellement aux infrastructures et aux PMI des zones économiquement déprimées, ils aboutissent un peu trop souvent dans les poches de grosses multinationales comme Fiat, McDonald’s, IBM, Coca-Cola, la compagnie pharmaceutique GlaxoSmithKline… sans oublier les mafias. On reconnaît ainsi à la Ndrangheta calabraise, déjà leader mondial dans le commerce de coke, une vraie expertise dans la ponction du fonds communautaire. (...)
Le cas de la Pologne est édifiant.
Ce pays offre personnel qualifié, très bas salaires et infrastructures de qualité. Mais ce n’est pas tout : c’est aussi,, et de loin, le premier bénéficiaire de l’aide européenne avec 67 milliards. Le Bureau of Investigative Journalism cite une prestigieuse brochure gouvernementale vantant les opportunités locales pour les investisseurs étrangers : « L’aide européenne veut dire profit pour les business ». (...)
L’important reste – pour tous ces champions du libéralisme décomplexé – de grappiller l’argent public.