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chroniques du yeti
Pour Emmanuel Todd, le Brexit rend encore plus inéluctable le retour aux États-nations
Article mis en ligne le 12 juillet 2016
dernière modification le 8 juillet 2016

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Emmanuel Todd est un des rares intellectuels qui privilégie l’analyse sur le long terme à la chronique des soubresauts court-termistes. Dans une magistrale interview au webmedia Atlantico, il classe le Brexit comme une étape d’un phénomène global de démondialisation : « la divergence ».

Ce repli sur les cultures nationales touchent toutes les sociétés avancées de la planète, explique Emmanuel Todd : des États-Unis (avec l’émergence de candidats comme Bernie Sanders ou Donald Trump) au Japon, en passant par l’Europe ou l’Australie.

« Le stress et les souffrances de la globalisation conduisent les sociétés, non pas à s’ouvrir plus et à converger, mais au contraire, à trouver en elles-mêmes, dans leurs traditions et dans leurs fondements anthropologiques, la force de s’adapter et de se reconstruire. »

Les premiers pays à avoir réussi cette mue sont l’Allemagne lors de sa réunification et, après bien des troubles post-URSS, la Russie de Vladimir Poutine. Le Brexit s’inscrit naturellement comme une réémergence du Royaume-Uni en tant que nation et un rétablissement de la souveraineté du Parlement britannique dans le pays qui a inventé le gouvernement représentatif.

La France dans le sillage de la Grande-Bretagne ?

La prochaine étape devrait logiquement concerner la France, explique Emmanuel Todd. D’abord parce que dans l’actuelle recomposition européenne, l’axe Paris-Londres est traditionnellement bien plus important et plus proche que le fameux couple “franco-allemand”. Il y a bien plus de Français vivant à Londres qu’à Berlin et bien plus de familles britanniques installées en France que de familles allemandes.

Mais les dirigeants français actuels sont complètement à côté de la plaque, constate Emmanuel Todd. (...)

« Le Brexit, c’est la fin de la notion de système occidental. Tous les réalignements sont désormais possibles. C’est la vraie fin de la Guerre froide. Et Poutine, par ses commentaires extrêmement prudents, montre qu’il l’a compris. »

La période de transfert sera sans nul doute tumultueuse. Le Brexit va naturellement renforcer l’autoritarisme de l’Allemagne sur ce qui reste de l’Union européenne, aidée en cela par la servilité des élites françaises à l’égard de Berlin. S’ensuivra naturellement « une accélération et une accentuation de la dérive antidémocratique ».

Emmanuel Todd ne nie pas non plus l’importance la montée xénophobe dans le processus de dislocation, mais la xénophobie n’a pas attendu le référendum britannique pour se répandre en Europe comme l’attestent déclarations et attitudes inacceptables de dirigeants européens. Le fait enfin que cette renationalisation rampante profite essentiellement à la droite dure tient à l’insignifiance des représentants complètement dépassés de la vraie gauche.

Pendant cette délicate période de recomposition européenne, conclut Emmanuel Todd, la Grande-Bretagne et l’Allemagne auront les cartes majeures en main. La France, elle, ne pourra plus guère compter que sur sa vieille tradition révolutionnaire pour balayer un jour la crétinerie de ses dirigeants et échapper à un douloureux déclin (...)