
« J’arrêterai quand il y aura plus de dignité pour tous les citoyens... » : à Paris, Toulouse et Alès, Reporterre a écouté la colère d’hommes et de femmes dans les cortèges de la manifestation du 17 décembre. Ouvrier, aide-soignante, étudiante, biffin... Tous se battent contre la réforme en cours et pour tous les « acquis sociaux ».
Ce sont les k-ways oranges de la CFDT Mineurs, un peu à l’écart, qui ont attiré notre regard : absents le 5 décembre, ils ont cette fois-ci répondu à l’appel à la mobilisation. Et puis, « Mineurs » interroge : tiens, il y en a encore à Alès (Gard) ? « En fait c’est la métallurgie », nous expliquent ceux qui portent la banderole, des ouvriers de l’une des dernières usines du coin, SNR, qui fabrique des roulements à billes. Parmi eux Jérôme, 36 ans, ouvrier à la fabrication, en horaires de nuit : 21 heures – 5 heures du matin. Il ne fait pas fait grève mais s’est organisé pour venir manifester : « Je n’ai pas travaillé cette nuit, sinon je n’aurais pas pu venir ce matin. » (...)
Il a un peu de mal à calculer depuis combien de temps il travaille. Une vingtaine d’années à peu près. « Mes parents galéraient, ils ne pouvaient pas me donner d’argent pour la voiture ou les sorties. Je me suis dit que j’allais travailler, je n’ai pas terminé mon CAP », raconte-t-il. Cela fait une dizaine d’années qu’il est en poste à SNR, en CDI. Les salariés font des semaines de 40 heures, ont gardé le rythme des trois huit et ont négocié des RTT en compensation. Les salaires, eux, sont bloqués au Smic, seules l’ancienneté et les primes permettent de le dépasser. L’ouvrier ne s’en sort pas. (...)
Il ne dit pas que son travail lui mange la vie de famille, ou l’empêche de s’épanouir. « Le temps on l’a, ce sont les moyens qu’on n’a pas, surtout pour sortir avec deux enfants. Donc on reste devant la télé, c’est ce qui coûte le moins cher. » Petite chance, il ne vit qu’à dix kilomètres de son usine, ce qui limite les frais de transport. Cependant, « on s’est sentis complètement concernés par les Gilets jaunes, surtout quand tu arrives à la pompe et que ça te coûte un œil… À l’usine, il y en a qui viennent de Nîmes ou Montpellier, cela leur coûte cher. »
Avec ses collègues, leurs revendications ne s’éloignent pas de celles annoncées nationalement par la CFDT. Un point de vigilance particulier, cependant, pour ces ouvriers : la pénibilité. (...)
Il n’y a pas de colère dans les yeux de Jérôme, simplement une sorte de résignation, sans doute aussi de la fatigue, tout simplement. « La retraite, je ne la vois pas. J’aimerais gagner au loto, travailler le moins longtemps possible. » (...)
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